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Contes épiques/Le Mendiant de son honneur

La bibliothèque libre.
PoésiesBibliothèque-CharpentierTome second (p. 64-67).


Le Mendiant de son honneur


 
Devant Bivar. Le fils et les petits-fils île Diego Laynez parlent entre eux, ignorant encore que le comte Gomez de Gormaz a frappé au visage le chef de leur maison. Un Mendiant monte la côte.



BERMUDO

Vois donc, frère, sur le chemin
Ce mendiant qui tend la main.
Qu’il a l’air triste !


HERNAN

Comme sous de très lourds fardeaux
Il courbe la tête et le dos.
Que Dieu l’assiste !

Le Mendiant s’approche.

 
Vois ! il défaille à tous moments.
Ses vieilles mains, ses vêtements
Sont noirs de boue.


HERNAN

Il a honte, le pauvre vieux !
Son manteau lui pend sur les yeux
Et sur la joue.

Le Mendiant est devant eux, courbé.


LE MENDIANT

La chanté, Seigneurs, la charité !


RODRIGUEZ

Que te faut-il ? parle, vieil homme.


HERNAN

As-tu faim ? As-tu soif ?


BERMUDO

                                              Veux-tu faire un bon somme ?


HERNAN

Le pain nous rend la force et le vin la gaîté.



BERMUDO

Le sommeil est plein de beaux rêves.


LE MENDIANT

Je n’ai ni soif ni faim. Je dois veiller sans trêves.
La charité, Seigneurs, la charité !


RODRIGUEZ

Que te faut-il ? parle, vieil homme.


HERNAN

Un cheval pour la route ?


BERMUDO

                                             Ou quelque forte somme ?


HERNAN

Un cheval porte vite au gîte souhaité.


BERMUDO

L’argent tente les plus austères.


LE MENDIANT

Je ne voyage point. J’ai de l’or et des terres.
La charité, Seigneurs, la charité !


RODRIGUEZ

Que veux-tu donc, passant étrange ?


HERNAN

Ni le pain, ni le vin ?


BERMUDO

                                          Ni la nuit dans la grange ?


HERNAN

Ni le bel étalon tout de feu moucheté ?


BERMUDO

Ni l’or ou l’argent que l’on compte ?

Le Mendiant jette sa cape et son chapeau. Les jeunes hommes reconnaissent Diego Laynez.


DIEGO LAYNEZ

L’aumône qu’il me faut, c’est la tête du comte !
La charité, mes fils, la charité !