Contes choisis de la famille/Le petit pâtre
Eugène Ardant et Cie, (p. 85-89).
LE PETIT PÂTRE.
Un petit pâtre s’était rendu célèbre par la sagesse avec laquelle il répondait aux questions qui lui étaient adressées. Le bruit de sa réputation parvint jusqu’aux oreilles du roi qui n’en voulut rien croire, fit venir le petit garçon, et lui dit :
— Si tu parviens à répondre aux questions que je vais te poser, je te regarderai désormais comme mon fils, et tu habiteras près de moi dans mon palais.
— Sire, quelles sont ces trois questions ? demanda le jeune pâtre.
— Voici d’abord la première, reprit le roi : Combien de gouttes d’eau y a-t-il dans la mer ?
Le petit pâtre répondit :
— Sire, commencez par faire boucher tous les fleuves et les rivières de la terre, de manière qu’il n’en coule plus une seule goutte d’eau dans la mer jusqu’à ce que j’aie fait mon calcul ; alors je vous dirai combien la mer renferme de gouttes.
Le roi reprit :
— Ma seconde question est celle-ci : Combien y a-t-il d’étoiles dans le ciel ?
Le petit pâtre répondit :
— Sire, donnez-moi une grande feuille de papier blanc.
Puis le jeune garçon fit avec une plume un si grand nombre de petits points serrés sur toute la surface du papier, et si fins, qu’on les apercevait à peine et qu’il était de toute impossibilité de les compter ; rien qu’à vouloir l’essayer, les yeux étaient éblouis. Cette besogne terminée, il dit au roi :
— Il y a autant d’étoiles dans le ciel, que de points sur cette feuille de papier ; daignez les compter.
Personne n’y put réussir.
Le roi prenant de nouveau la parole :
— Ma troisième question a pour but de savoir de combien de secondes se compose l’éternité.
Le jeune pâtre répondit :
— Au delà de la Poméranie se trouve la montagne de diamant. Cette montagne a une lieue de hauteur, une lieue de largeur et une lieue de profondeur. Tous les cent ans, un oiseau vient s’y poser, gratte la montagne avec son bec et enlève une parcelle de diamant ; quand il aura de la sorte fait disparaître le mont tout entier, la première seconde de l’éternité sera écoulée.
Le roi repartit :
— Tu as répondu comme un sage à mes trois questions ; désormais tu resteras près de moi dans mon palais, et je te regarderai comme mon fils.