Contes des fées (Aulnoy, version expurgée, 1868)/Préface à lire par les mères

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Contes des fées (expurgé), Texte établi par revue par Melle Marie Guerrier de HauptBernardin-Béchet, éditeur (p. i-iv).


PRÉFACE
À LIRE PAR LES MÈRES


Marie Catherine Jumelle de Berneville, comtesse d’Aulnoy, naquit vers le milieu du xviie siècle. Elle était contemporaine du bon Perrault, dont les contes feront longtemps encore le bonheur des petits enfants, et nièce de cette madame Desloges qui, sous Louis XIII, se fit une grande réputation d’esprit, et fut l’amie des hommes les plus distingués de son temps.

Madame d’Aulnoy a écrit un assez grand nombre d’ouvrages, la plupart historiques ; ses ouvrages de pure imagination sont l’Histoire d’Hippolyte, Comte de Duglas, et les Contes des Fées. Ces contes offrent un mélange de naïveté et de finesse qui en rend la lecture agréable.

« On peut, dit la Harpe, mettre de l’art et du goût jusque dans les frivolités. Madame d’Aulnoy est celle qui paraît y avoir le mieux réussi : elle y a mis l’espèce d’intérêt dont ce genre est susceptible, et qui dépend, comme dans toute fiction, d’un degré de vraisemblance conservé dans le merveilleux, et d’une simplicité de style convenable à la petitesse du sujet. »

Les contes de madame d’Aulnoy ont été lus et relus par bien des générations : mais de notre temps, les grandes personnes dédaignent ces sortes de fictions, et en laissent la lecture aux enfants. Malheureusement, ces contes merveilleux, qui plaisent tant aux jeunes imaginations, effrayent souvent la prudence des mères par des expressions trop libres ou des détails peu convenables. Il arrive aussi qu’une mère de famille, au moment de donner à son petit garçon, à sa petite fille, des contes que possèdent presque tous les enfants de leur âge, est partagée entre le désir de leur être agréable et la crainte de mettre entre leurs mains un livre inconvenant ou dangereux.

Nous avons pensé qu’il serait utile de faire d’abord un choix scrupuleux des meilleurs contes de madame d’Aulnoy, et de retrancher ensuite de ces contes toutes les expressions, tous les détails qui ne peuvent convenir dans un livre destiné à l’enfance.

Nous avons fait en sorte, malgré les changements indispensables, de conserver aux Contes des Fées, leur cachet d’originalité naïve ; nous n’avons supprimé aucune des merveilles du royaume de féerie, qui enthousiasment les imaginations de huit à dix ans. Les mamans de nos gentils lecteurs et de nos mignonnes lectrices reconnaîtront les chefs-d’œuvre qui ont amusé leur jeunesse : l’Oiseau bleu, la Biche au bois, Gracieuse et Percinet, le Prince lutin, ne leur paraîtront avoir subi que bien peu de modifications ; cependant elles n’y trouveront plus ces mots, ces phrases entières qui leur faisaient interroger avec inquiétude le doux visage de leurs chers anges, en se demandant l’impression qu’une telle lecture aura pu avoir produite sur eux.

Rassurer l’inquiète sollicitude des mères, voilà notre but ; obtenir leur approbation, sera la plus douce récompense de la tache que nous avons entreprise.


Marie Guerrier de Haupt.