Contes du lit-clos/Pauvre p’tit gas

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Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 201-202).


PAUVRE P’TIT GÂS !




Nul ne connut jamais son âge !
Son nom ? Ma foi, pas davantage !
Sa famille ? Il n’en avait pas :
On l’avait trouvé sur la plage…
Pauvre p’tit gâs !

Sans jamais aller à l’école,
Sans baiser ni bonne parole,
Vêtu de trous du haut en bas,
Il poussa comme une herbe folle.
Pauvre p’tit gâs !

Lorsque la mer était mauvaise
Il chantait, le cœur plus à l’aise,
Gîté, malgré vents et frimas,
Dans un abri de la falaise…
Pauvre p’tit gâs !

Dédaignant faucille et charrue.
De bonne heure il fut la recrue
D’un capitaine Terneuvas
Et s’en fut pêcher la morue !…
Pauvre p’tit gâs !

Or, un soir, la vague en furie
Fait au vieux brick une avarie
Suffisante à le couler bas :
L’eau monte dans la « batterie » !…
Pauvre p’tit gâs !


Et l’enfant s’offre en volontaire
Pour porter un « fil » à la terre
Que l’on aperçoit tout là-bas…
Le « va-et-vient » va-t-il se faire ?…
Pauvre p’tit gâs !

Malgré les brisants et l’orage
Il attînt la côte à la nage,
Puis mourut… tant il était las !…
Mais il sauva tout l’équipage !…
Pauvre p’tit gâs !

Plus que tous nos héros célèbres
Il fut pleuré dans les ténèbres
Par les marins, disant tout bas,
En guise d’oraisons funèbres :
« Pauvre p’tit gâs !
« Pauvre p’tit gâs !!! »








(Musique de Théodore Botrel. — G. Ondet, éditeur.)