Contes secrets Russes/Le soldat, le moujik et la paysanne

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Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 167-168).

LV

LE SOLDAT, LE MOUJIK ET LA PAYSANNE


Des soldats avaient été mis en cantonnement dans un village, et les paysannes étaient devenues très familières avec eux ; naturellement, ces relations n’allaient pas sans péché : tandis que le maître du logis travaillait au dehors, sa femme buvait, mangeait et couchait avec le militaire logé chez elle.

Un moujik, entre autres, avait une épouse très vicieuse ; à maintes reprises, il l’avait trouvée soit avec des paysans, soit avec des soldats, mais elle savait toujours se disculper. Une fois le moujik la surprit avec un gars dans une remise : « Eh bien ! putain, qu’est-ce que tu diras maintenant ? » Ayant alors le gars sur elle, elle ne put que répondre : « Pardon, mon cher ami ! » Mais elle se leva vivement, courut à la maison et se présenta tout en larmes à sa belle-mère. Arriva le mari. « Eh bien ! mère, » dit-il, « je ne voulais pas croire les gens, mais maintenant je l’ai moi-même trouvée avec un gars dans la remise. — Tu vois, mère, » fit en pleurant la paysanne, « quelle accusation calomnieuse je subis ! — Ah ! maudite putain, je t’ai surprise, il y a un instant, couchée sous Andréiouchka ! — Tu mens, drôle ! Eh bien ! dis, où avais-je la tête ? » Le moujik devint songeur et finit par répondre : « Le diable sait où tu avais la tête ! — Vois-tu, mère, comme il m’accuse faussement ! » La vieille femme, indignée contre son fils, l’accabla de reproches. « C’est bien, » dit le moujik, « je te repincerai bientôt, ma chère ! »

Quelque temps après, cette paysanne ayant noué des relations avec un soldat, les deux amants se rendirent à la remise ; là le soldat fit coucher la femme sur une botte de paille et commença à la βαισερ. Le mari, qui avait des soupçons, s’en fut à la remise et surprit le couple en flagrant délit. « Ah ! militaire, ce n’est pas bien ! — Avec vous, le diable lui-même ne s’y reconnaîtrait pas ! » répliqua le soldat ; « elle dit que c’est bien, toi tu dis que ce n’est pas bien. Il n’y a pas moyen de vous contenter. — Militaire, je demanderai justice contre toi ! — Eh bien ! demande, moi, j’ai déjà obtenu ! »