Convention de Simla (1914)
CONVENTION ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE, LA CHINE ET LE TIBET, SIMLA 1914
Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande et des Dominions britanniques d’outre-mer, Empereur des Indes, Son Excellence le Président de la République de Chine, et Sa Sainteté le Dalaï-lama du Tibet, sincèrement désireux de régler d’un commun accord diverses questions concernant les intérêts de leurs Etats respectifs sur le continent asiatique, ainsi que les relations entre leurs Gouvernements, ont résolu de conclure une Convention à ce sujet et ont, à cet effet, nommé plénipotentiaire :
Pour Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande et des Dominions britanniques d’outre-mer, Empereur des Indes : Sir Arthur Henry McMahon, Chevalier Grand Croix du (Royal Victorian Order, Commandeur de l’Ordre Eminentissime de l’Empire indien, Compagnon du Grand Ordre de l’Etoile des Indes, Secrétaire au Département des affaires étrangères et politiques du Gouvernement des Indes ;
Pour Son Excellence— le Président de la République de Chine M. Ivan Chen, Officier de l’Ordre du Chia, H O ;
Pour Sa Sainteté le Dalaï-lama du Tibet : Le Lontchén Ga-den Shatra Pal-jor Dordje ;
Qui, après avoir échangé leurs pouvoirs respectifs reconnus en bonne et due forme, ont conclu la Convention suivante en onze articles :
Article premier
Les Conventions mentionnées dans l’annexe à la présente Convention continueront à lier les Hautes Parties contractantes, à moins qu’elles se trouvent modifiées par une ou plusieurs dispositions de la présente Convention ou qu'elles soient incompatibles ou en contradiction avec lesdites dispositions.
Article 2
Les Gouvernements de la Grande-Bretagne et de la Chine, reconnaissant les droits suzerains de la Chine sur le Tibet, et reconnaissant également l'autonomie du Tibet extérieur, s'engagent à respecter l'intégrité territoriale du pays -et à s'abstenir de toute ingérence dans l'administration du Tibet extérieur (y compris le choix et l'installation du Dalaï-lama) qui continuera à relever de la compétence du Gouvernement tibétain à Lhassa. Le Gouvernement de la Chine s'engage à ne pas transformer le Tibet en province chinoise. Le Gouvernement de la Grande-Bretagne s'engage à ne pas annexer le Tibet, en tout ni en partie.
Article 3
Reconnaissant l'intérêt spécial que la Grande-Bretagne, eu égard à la situation géographique du Tibet, porte à l'existence d'un Gouvernement tibétain efficace, ainsi qu'au maintien de la paix et de l'ordre au voisinage des frontières de l'Inde et des pays limitrophes, le Gouvernement de la Chine s'engage, sous réserve des dispositions de l'article 4 de la présente Convention, à ne pas envoyer de troupes au Tibet extérieur, à ne pas y affecter des officiers militaires ou civils et à ne pas y établir de colonies chinoises. Au cas où il resterait de telles troupes ou, de tels fonctionnaires au Tibet extérieur au moment de la signature de cette Convention, il serait procédé à leur retrait dans un délai maximum de trois mois. Le Gouvernement de la Grande-Bretagne s'engage à ne pas affecter d'officiers militaires ou civils au Tibet (sous réserve des dispositions de la Convention du 7 septembre 1904 entre la Grande-Bretagne et le Tibet), à ne pas y envoyer de troupes (à l'exception des escortes des agents), et à ne pas établir de colonies dans ce pays.
Article 4
L'article précèdent ne porte pas atteinte à l'accord aux termes duquel un haut fonctionnaire chinois a été jusqu'a présent maintenu à Lhassa, suivi d'une escorte convenable, mais il est stipul' que ladite escorte ne devra en aucun cas, dépasser 300 hommes.
Article 5
Les Gouvernements de la Chine et du Tibet s'engagent à ne pas entamer de négociations ou conclure d'accords bipartites concernant le Tibet, soit entre eux soit avec aucune autre puissance, en dehors des négociations et accords entre la Grande-Bretagne et le Tibet prévus aux termes de la Convention du 7 septembre 1904, entre la Grande-Bretagne et le Tibet, et la Convention du 27 avril 1906, entre la Grande-Bretagne et à la Chine.
Article 6
La présente Convention annule l'article III de la Convention du 27 avril 1906 entre la Grande-Bretagne et la Chine, et il est entendu qu’a l'article IX (d) de la Convention du 7 septembre 1904 entre la Grande-Bretagne et le Tibet, le terme « Puissance étrangère » ne s’applique pas à la Chine.
Le traitement accordé au commerce britannique ne sera pas moins favorable que celui dont bénéficie la Chine ou la nation la plus favorisée.
Article 7
a) Les Accords de 1893 et 1908 réglementant le commerce tibétain sont abrogés en vertu de la présente Convention.
b) Le Gouvernement tibétain s’engage à négocier avec le Gouvernement britannique un nouveau Règlement commercial pour le Tibet extérieur, aux fin d'exécution immédiate des articles II, IV et V de la Convention du 7 septembre 1904 entre la Grande-Bretagne et le Tibet; mais à condition toutefois que ledit Règlement ne modifie d'aucune manière la présente Convention, sans accord préalable du Gouvernement chinois.
Article 8
L'agent britannique résidant à Gyantsé pourra se rendre à Lhassa, accompagné de son escorte, chaque fois qu'il lui sera nécessaire de consulter le Gouvernement tibétain au sujet de questions soulevées par la Convention du 7 septembre 1904 entre la Grande-Bretagne et le Tibet, qui n'auront pu être réglées à Gyantsé par échange de lettres ou autrement.
Article 9
Aux fins d'application de la présente Convention, les limites du Tibet et la frontières entre le Tibet intérieur et le Tibet extérieur seront respectivement conformes aux tracés rouge et bleu figurant sur la carte en Annexe.
Aucune des dispositions de la présente Convention ne sera considérée comme portant préjudice aux droits dont jouit le Gouvernement tibétain au Tibet intérieur, y compris le pouvoir de choisir et nommer les archiprêtres des monastères et de continuer à administrer seul toutes les affaires ayant trait aux institutions religieuses.
Article 10
Les textes anglais, chinois et tibétain ont été soigneusement comparés et reconnus conformes. En cas de divergence, le texte anglais fera foi.
Article 11
La présente Convention entrera en vigueur à la date de sa signature. En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé cette Convention et y ont apposé leurs sceaux.
Fait à Simla en neuf exemplaires, dont trois en anglais, trois en chinois et trois en tibétain, ce 3 juillet 1914, soit, selon le calendrier chinois, le 3e jour du 7e mois de l'an III de la République et selon le calendrier tibétain, le 10e jour du 5e mois de l'année du Tigre de Bois. Paraphe du Lontchén Shatra
Sceau du Lontchén Shatra.
(Paraphé) A.HM.
Sceau du plénipotentiaire britannique.
Annexe
1. Convention entre la Grande-Bretagne et la Chine relative au Sikkim et au Tibet, signée à Calcutta, le 17 mars 1890.
2. Convention entre la Grande-Bretagne et le Tibet, signe à Lhassa, le 7 septembre 1904.
3. Convention entre la Grande-Bretagne et la Chine relative au Tibet, signe à Pékin, le 27 avril 1906.
La teneur des notes échangées est la suivante:
1. Les Hautes Parties contractantes sont convenues de ce que le Tibet forme partie intégrante du territoire chinois.
2. Une fois que le Gouvernement tibétain aura choisi et installé le Dalaï-lama, il notifiera cette installation au Gouvernement chinois dont le représentant à Lhassa donnera alors communication formelle à Sa Sainteté des titres conformes à sa dignité qui lui auront été conférés par le Gouvernement chinois.
3. Les Hautes Parties contractantes sont également convenues que le choix et la nomination de tous les fonctionnaires du Tibet extérieur incomberont au Gouvernement tibétain.
4. Le Tibet extérieur ne sera pas représentés au Parlement chinois ni au sein d'aucun autre organismes similaire.
5. Il est également convenu que les escortes attachées aux agences commerciales du Tibet ne dépasseront pas soixante-quinze pour cent de l'escorte du représentant chinois à Lhassa.
6. Le Gouvernement de la Chine est dégagé par le présent acte des obligations qui lui incombaient conformément à l'article III de la Convention du 17 mars 1890 entre la Grande-Bretagne et la Chine, destiné a prévenir les actes d'agression du coté tibétain de la frontières Tibet-Sikkim.
7. Le haut fonctionnaire chinois mentionné à l'article 4 sera libre d'entrer au Tibet, dès que les conditions de l'article 3 auront été remplies à la satisfaction des représentants des trois signataires de la présente Convention, qui procéderont à une enquête et feront rapport sans délai.
Paraphe + du Lontchén Shatra. Sceau du Lontchén Shatra.
(Paraphé) A. H. M - + Sceau du plénipotentiaire britannique.