Convention relative à l’établissement de communications par voies ferrées à travers les Pyrénées

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Ministère des Travaux publics, des Postes et des Télégraphes
Convention relative à l’établissement de communications par voies ferrées à travers les Pyrénées
Imprimerie nationale (p. 692-698).

DÉCRET DU 13 FÉVRIER 1907.

promulguant une convention, suivie d’un règlement d’exécution, signée à Paris le 18 août 1904, et un protocole additionnel conclu à Paris le 8 mars 1905, entre la France et l’Espagne au sujet de l’établissement, sur les territoires français et espagnol, des chemins de fer d’Ax-les-Thermes à Ripoll, d’Oloron à Zuéra et de Saint-Girons à Sort.
(Publié au Journal officiel du 15 février 1907.)

Art. 1er. Une convention suivie d’un règlement d’exécution ayant été signée à Paris, le 18 août 1904, et un protocole additionnel ayant été conclu à Paris, le 8 mars 1905, — entre la France et l’Espagne au sujet de l’établissement, sur les territoires français et espagnol, des chemins de fer d’Ax-les-Thermes à Ripoll, d’Oloron à Zuéra et de Saint-Girons à Sort, et les ratifications de ces actes ayant été échangées à Paris, le 28 janvier 1907, ladite convention et ledit protocole dont la teneur suit recevront leur pleine et entière exécution.


CONVENTION

Le Président de la République Française et S. M. le Roi d’Espagne, désirant déterminer, d’un commun accord, les nouvelles communications par voies ferrées à établir entre les deux pays à travers les Pyrénées, et arrêter les conditions générales d’exécution et raccordement à la frontière des lignes à construire, ont résolu de conclure, à cet effet, une Convention, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

Le Président de la République Française,

S. Exc. M. Th. Delcassé, Député, Ministre des Affaires Étrangères de la République Française, etc. ;

Et S. M. le Roi d’Espagne :

S. Exc. M. de Léon y Castillo, marquis del Muni, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. le Roi d’Espagne près le Président de la République française, etc. ;

Lesquels, après s’être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. Il sera construit trois lignes internationales qui traverseront, respectivement, la frontière franco-espagnole aux environs de Puigcerda et de Bourg-Madame, et près des ports du Somport et de Salau.

La première partira d’Ax-les-Thermes (Ariège), traversera en tunnel le col de Puymorens, coupera la frontière aux environs de Puigcerda et de Bourg-Madame, franchira en tunnel le col de Tosas, et s’embranchera à Ripoll sur le chemin de fer de Granollers à San Juan-de-las-Abadesas.

La seconde partira d’Oloron (Basses-Pyrénées), remontera la vallée d’Aspe, franchira en tunnel le Somport, pénétrera dans la vallée du Rio-Aragon, puis passera dans celle du Gallego, et s’embranchera à Zuéra sur la ligne de Saragosse à Barcelone.

La troisième partira de Saint-Girons (Ariège), remontera la vallée du Salat, franchira en tunnel le col de Salau, pénétrera en Espagne par la vallée du Noguera-Pallaresa, et s’y embranchera, à Sort, sur la ligne projetée de Lérida à la frontière.

Art. 2. Les deux gouvernements s’engagent à exécuter chacune des trois lignes susdites le plus rapidement possible et, en tout cas, dans un délai maximum de dix années.

Pour chacune des deux premières, qui doivent s’embrancher, en Espagne, sur des lignes déjà actuellement ouvertes à l’exploitation, ce délai courra du jour de l’échange des ratifications de la présente Convention.

Pour la troisième, qui doit s’embrancher, en Espagne, sur la ligne non encore exécutée de Lérida à la frontière par la vallée du Noguera-Pallaresa, ce délai courra du jour de la notification par le Gouvernement espagnol au Gouvernement français de l’achèvement de le section de Lérida à Sort de ladite ligne.

Art. 3. Sur les trois lignes internationales, la traction se fera soit à la vapeur, soit à l’électricité, par adhérence ou par tout autre moyen agréé par les deux gouvernements, le mode de traction pouvant d’ailleurs varier, sur chaque ligne, suivant les sections.

Le matériel de traction seul y pourra être de types spéciaux ; les autres véhicules devront, dans chacun des deux pays, être des types en usage sur l’ensemble des voies ferrées à largeur normale dudit pays.

Les déclivités ne devront pas dépasser : pour le cas de la traction à vapeur par adhérence, trente-trois millimètres par mètre, et pour celui de la traction électrique par adhérence quarante-trois millimètres par mètre.

Dans les tunnels internationaux du Somport et de Salau, où la traction s’effectuera par l’électricité, les déclivités ne devront pas dépasser trente-quatre millimètres par mètre.

Dans le cas de la traction par adhérence, les rayons des courbes ne devront pas être inférieurs, savoir :

Sur les sections à traction à vapeur, à 300 mètres pour la voie espagnole et 260 mètres pour la voie française ;

Et sur les sections à traction électrique, à 230 mètres pour la voie espagnole et 200 mètres pour la voie française.

Toutefois, ces rayons minima pourront être abaissés en cas de difficultés exceptionnelles de construction, pour lesquelles il sera statué par les deux gouvernements.

Pour le cas de la traction par tout autre moyen que l’adhérence, il sera statué d’accord entre les deux gouvernements sur les limites à admettre pour les déclivités et pour les rayons des courbes.

Art. 4. Le tunnel international du Somport partira, en France, des Forges d’Abel, à une cote qui ne sera pas inférieure à 1 064 mètres, et aboutira aux Arañones, en Espagne, à la cote invariable 1 195 m. 50. Il sera à deux pentes de longueurs sensiblement égales. Il donnera passage à une voie espagnole unique. La force hydraulique à provenir du lac d’Estaes sera, dans les conditions que fixeront de concert les deux gouvernements, utilisée sur les deux versants pour le percement du tunnel.

Le tunnel international du col de Salau partira, en France, du Jeu-du-Mail, et aboutira, en Espagne, près d’Isil. Il sera à deux pentes de longueurs aussi égales que possible. Il donnera passage à une voie française unique.

Les deux gouvernements arrêteront, d’un commun accord, le tracé, le profil et, d’une manière générale, les dispositions techniques des deux tunnels internationaux.

Chacun de ces tunnels, superstructure comprise, sera exécuté par les soins et provisoirement aux frais du gouvernement français dans la partie comprise entre la tête française et le point culminant du profil en long ; par les soins et provisoirement aux frais du gouvernement espagnol entre ce point culminant et la tête espagnole.

Chacun des deux gouvernements arrêtera souverainement, sans intervention de l’autre, le compte général des dépenses relatives aux travaux exécutés par ses soins.

Il sera fait, ensuite, masse de ces deux comptes, pour la moitié du total être supportée définitivement par chacun des deux gouvernements.

Art. 5. Il sera établi sur la ligne d’Ax à Ripoll deux gares internationales, situées l’une en Espagne, l’autre en France, et reliées entre elles par deux voies, l’une espagnole, l’autre française.

Il sera établi une seule gare internationale sur chacune des deux autres lignes : celle de la ligne du Somport sera située sur le territoire français, aux Forges d’Abel ; celle de la ligne du col de Salau sur le territoire espagnol, en un point qui sera déterminé d’accord entre les deux gouvernements.

La voie espagnole traversant le tunnel du Somport sera prolongée jusqu’à la gare internationale située sur le territoire français. La voie française traversant le tunnel du col de Salau sera prolongée jusqu’à la gare internationale située sur le territoire espagnol.

Les projets de chacune de ces quatre gares et des voies reliant entre elles les deux gares internationales de la ligne d’Ax-les-Thermes à Ripoll et, respectivement, aux souterrains de faîte celles des lignes du Somport et du col de Salau seront arrêtés d’un commun accord par les deux gouvernements. Dans les gares internationales du Somport et du col de Salau, chacun des deux pays disposera des installations nécessaires pour l’exploitation et la surveillance du chemin de fer et pour le service des douanes.

Tous ces travaux seront exécutés par les soins et provisoirement aux frais du gouvernement sur le territoire duquel ils seront situés ; chacun des deux gouvernements arrêtera souverainement, sans intervention de l’autre, le compte général des dépenses relatives aux travaux exécutés par ses soins.

Il sera fait, ensuite, masse de ces deux comptes, pour la moitié du total être supportée par chacun des deux gouvernements.

Art. 6. Les deux gouvernements supporteront par moitié les frais d’entretien des ouvrages établis à leurs frais communs en vertu des articles 4 et 5 ci-dessus.

Art. 7. La commission internationale se réunira toutes les fois que l’un des deux gouvernements le jugera nécessaire, et au moins une fois par an, au mois de mai, pour contrôler l’exécution des clauses de la présente convention, étudier tous les autres points de sa compétence, et, notamment, veiller à ce que la construction des trois lignes soit achevée dans les délais stipulés à l’article 2 ci-dessus.

Art. 8. En vue d’assurer la marche normale des travaux, les deux gouvernements suivront, en ce qui concerne tant l’ordre et les délais à observer pour l’exécution des lignes que l’apurement des comptes des ouvrages à établir à frais communs, les dispositions générales stipulées dans le Règlement d’exécution ci-annexé.

Ce règlement, devant former partie intégrante de la présente convention, aura la même vigueur que s’il s’y trouvait littéralement inséré.

Art. 9. La présente convention annule et remplace celle signée à Madrid le 13 février 1885 et non ratifiée.

Art. 10. La présente convention sera ratifiée et les ratifications en seront échangées après approbation par les Chambres législatives en Espagne et en France, auxquelles elle sera présentée au cours de leur plus prochaine session.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé la présente convention et l’ont revêtue de leurs cachets.

Fait, en double exemplaire, à Paris, le 18 août 1904.

(L. S.) Signé : Delcassé.
(L. S.) Signé : F. de Léon y Castillo.

RÈGLEMENT D’EXÉCUTION

prévu à l’article 8 de la convention.

1o Dans le délai maximum de cinq années à compter de l’échange des ratifications de la convention, la ligne du Somport sera prolongée, en Espagne, jusqu’à Villanua, et l’on terminera, en France, la section d’Oloron à Bedous.

Le plus tôt possible, et au plus tard dès l’achèvement desdites sections, les travaux du tunnel de faîte et de ses raccordements avec Villanua d’une part et Bedous de l’autre, ainsi que ceux de la ligne de Zuéra à Turuñana (Atalaya), devront être entrepris, puis poursuivis assez activement pour être entièrement terminés avant l’expiration du délai de dix ans stipulé à l’article 2 de la convention pour l’exécution de la ligne d’Oloron à Zuéra ;

2o Les opérations topographiques et les autres travaux techniques relatifs aux projets des tunnels internationaux et des gares internationales seront effectués d’un commun accord par les ingénieurs des deux gouvernements et soumis à la commission internationale qui devra, lorsqu’il y aura lieu, les présenter à l’approbation des deux gouvernements.

Les ingénieurs des deux pays dirigeront respectivement, après adjudication simultanée des travaux en France et en Espagne, la construction de la partie du tunnel du Somport comprise entre la tête située dans leur pays et le point culminant du profil en long. Ils vérifieront périodiquement, ensemble, l’alignement et les pentes des parties construites et en construction sur les deux versants du tunnel. Il sera procédé de même à l’égard du tunnel du col de Salau ;

3o Les comptes généraux de dépenses prévus aux articles 4 et 5 de la convention comprendront : les frais exposés à partir de la ratification de la convention pour l’étude des ouvrages auxquels s’appliquent ces comptes ; les dépenses proprement dites des travaux, qu’il s’agisse de celles prévues aux marchés d’entreprise ou des augmentations survenues en cours d’exécution ou, encore, de celles effectuées directement en régie ; les frais de surveillance ; les indemnités à payer soit aux entrepreneurs, soit à des tiers ; les frais de procédure et, en général, les dépenses de toute nature se rattachant à l’exécution desdits travaux, à la seule exception des traitements et indemnités des ingénieurs et agents faisant partie du cadre permanent des travaux publics des deux pays, traitements et indemnités qui seront à la charge de leurs gouvernements respectifs ;

4o Le présent Règlement d’exécution annule et remplace celui signé à Madrid, le 13 février 1885, et non ratifié.

Fait à Paris, en double exemplaire, le 18 août 1904.

(L. S.) Signé : Delcassé.
(L. S.) Signé : F. de Léon y Castillo.