Coran Savary/020

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Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (2p. 57-68).





T. H.[1]


donné à la mecque, composé de 135 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


T. H. Nous ne t’avons pas envoyé le Coran pour te rendre malheureux ;

Mais pour rappeler le souvenir du Seigneur à celui qui le craint.

Celui qui a créé la terre, et élevé les cieux, te l’a envoyé.

Le miséricordieux est assis sur son trône.

La terre et les cieux, l’immensité de l’espace, l’univers entier forment son domaine.

L’action que tu produis au grand jour, et celle que tu voiles des ombres du mystère, lui sont également connues.

Il n’y a point d’autre Dieu que lui. Les plus beaux noms sont ses attributs !

As-tu entendu réciter l’histoire de Moïse ?

Lorsqu’il vit le buisson enflammé, il dit à sa famille : Arrêtez-vous ici ; j’aperçois le feu sacré.

Peut-être que j’en apporterai une étincelle, et que j’y trouverai de quoi me conduire.

Lorsqu’il s’en fut approché, une voix lui cria : Moïse !

Je suis ton Dieu ; quitte ta chaussure ; tu es dans la vallée sainte de Thoï.

Je t’ai élu. Écoute attentivement ce que je vais te révéler.

Je suis le Dieu unique. Adore-moi et fais la prière en mon nom.

L’heure viendra. Peu s’en est fallu que je ne te l’aie révélée.

On rendra à chacun suivant ses œuvres.

Que l’incrédule, aveuglé par ses passions, ne t’empêche pas de croire si tu crains de périr.

Que portes-tu à la main ?

Seigneur, c’est mon bâton ; il sert à m’appuyer, à détacher des feuilles pour mon troupeau, et à d’autres usages.

Jette-le, ô Moïse !

Il obéit. Le bâton se changea en serpent qui rampait sur la terre.

Saisis-le sans crainte ; il reprendra sa première forme.

Porte la main dans ton sein, tu la retireras blanche[2], sans aucun mal ; seconde marque de ma puissance.

Nous te rendrons témoin des plus grandes merveilles.

Va trouver Pharaon[3]. Il passe les bornes de l’impiété.

Seigneur, répondit Moïse, dilate mon cœur ;

Rends-moi ton ordre facile.

Délie le lien de ma langue,

Afin qu’on puisse m’entendre.

Donne-moi un conseiller de ma famille.

Que ce soit mon frère Aaron.

Qu’il fortifie ma faiblesse,

Et qu’il partage mon emploi.

Nous unirons nos voix pour te louer, et nos cœurs pour nous rappeler ton souvenir,

Puisque tu as daigné jeter tes regards sur nous.

Tes vœux sont exaucés, ô Moïse !

Déjà nous t’avions donné des preuves de notre bonté vigilante,

Lorsque nous fîmes entendre ces paroles à ta mère :

Mets ton fils dans un panier ; laisse-le flotter sur le Nil ; il le portera au rivage ; mon ennemi et le sien l’accueillera, et je lui inspirerai de l’amour pour lui.

Il sera sous ma sauvegarde.

Ta sœur se promenait sur le bord du fleuve. Voulez-vous, dit-elle, que je vous enseigne une nourrice ? Nous te rendîmes à ta mère, afin de tranquilliser son cœur et de sécher ses larmes. Tu mis à mort un Égyptien. Nous te délivrâmes du supplice. Nous t’éprouvâmes ensuite.

Tu as habité plusieurs années parmi les Madianites, et tu t’es rendu à ma voix.

Je t’ai choisi pour remplir mes volontés.

Partez, toi et ton frère, avec la puissance des miracles, et n’oubliez pas mon souvenir.

Allez vers Pharaon. Son cœur s’est endurci dans le crime.

Parlez-lui avec douceur, afin qu’il ouvre les yeux, et qu’il craigne.

Seigneur, répondit Moïse, nous appréhendons son indignation, et sa violence.

Ne craignez rien. Je serai avec vous. J’entendrai, et je verrai.

Partez, et dites à Pharaon : Nous sommes les envoyés de Dieu ; laisse sortir d’Égypte les enfans d’Israël. Cesse de les opprimer. Les prodiges divins attesteront notre mission. La paix soit avec celui qui suit la lumière.

Ceux qui, nous accusant d’imposture, resteront dans l’erreur, vont être punis. Dieu nous l’a révélé.

Quel est votre Dieu, demanda le roi à Moïse ?

Mon Dieu est le dispensateur de toutes choses. C’est lui qui a tiré tous les êtres du néant, et qui les gouverne.

Quelle fut donc l’intention des anciens peuples, continua le Prince[4].

Elle est écrite dans le livre, reprit Moïse. Dieu en a la connaissance. Il ne se trompe point, et n’oublie rien.

C’est lui qui vous a donné la terre pour habitation, qui vous y a tracé des chemins, et qui fait descendre la pluie des cieux, pour féconder toutes les plantes.

Nourrissez-vous de ses productions. Faites paître vos troupeaux. Ces merveilles sont des signes pour ceux qui ont de l’intelligence.

Nous vous avons créés de terre. Vous y retournerez, et nous vous en ferons sortir une seconde fois.

Nous opérâmes des miracles devant Pharaon. Il les accusa de fausseté, et refusa d’y ajouter foi.

Es-tu venu, dit-il à Moïse, pour nous chasser de notre pays par la force de tes enchantemens ?

Nous t’opposerons de semblables artifices. Convenons du temps et du lieu. Qu’il n’y ait point d’infracteur, et que tout soit égal.

Que l’assemblée, répondit Moïse, se fasse un jour de fête. Le concours du peuple la rendra plus solennelle.

Pharaon se retira, et au jour marqué, il parut avec ses magiciens.

Malheur à vous ! leur dit Moïse, si vous osez fabriquer une imposture contre Dieu.

Il peut vous punir à l’instant. Les magiciens qui vous ont précédés ont péri.

Les mages se réunirent, pour agir de concert, et tinrent leur délibération secrète.

Prince, dirent-ils, ces deux hommes sont des imposteurs, qui veulent par leurs charmes vous chasser de votre pays, et entraîner les grands de votre empire.

Réunissez, ajouta Moïse, les secrets de votre art. Venez par ordre, et que ce jour couvre de gloire les vainqueurs.

Nous te donnons le choix, dirent les mages, de jeter ta baguette le premier, ou après nous.

Commencez, dit Moïse. À l’instant, leurs cordes et leurs baguettes parurent, par l’effet de leurs enchantemens, des serpens qui rampaient çà et là.

Moïse ne put se défendre d’un sentiment de frayeur.

Nous lui dîmes : Ne crains rien, tu seras victorieux.

Jette ta baguette. Elle dévorera leurs serpens, vains effets du prestige. Le magicien ne saurait prospérer.

Les mages se prosternèrent pour adorer le Seigneur. Nous croyons, s’écrièrent-ils, au Dieu d’Aaron et de Moïse.

Croirez-vous sans mon ordre, dit le roi ? Sans doute, Moïse est votre chef. Il vous a enseigné la magie. Je vous ferai couper les pieds et les mains, et vous serez attachés à des palmiers. Vous saurez qui de votre Dieu, ou de moi, sera plus constant et plus rigoureux dans ses châtimens.

Ta volonté, répondirent les mages, n’aura pas plus d’empire sur nous, que le prodige dont nous avons été témoins, que celui qui nous a créés. Décerne ce qu’il te plaira. Ta punition se borne à la vie présente. Nous croyons en Dieu afin qu’il pardonne nos fautes, et la magie que tu nous as commandée. Dieu est plus puissant et plus permanent que toi.

Celui qui se présentera devant son tribunal, souillé de crimes, descendra dans l’enfer. Il ne pourra ni éprouver la mort, ni jouir de la vie.

Le croyant qui apportera de bonnes œuvres sera élevé à un degré sublime.

Il habitera éternellement les jardins d’Éden, arrosés par des fleuves : Telle sera la récompense de ceux qui auront été purifiés.

Dieu commanda à Moïse de sortir pendant la nuit de l’Égypte avec le peuple d’Israël, de frapper la mer de sa baguette, et de leur ouvrir un chemin à travers les eaux.

Nous lui dîmes : Ne crains point que Pharaon t’arrête, et marche en sûreté.

Pharaon poursuivit les Hébreux à la tête de ses soldats. La mer les engloutit. Il égara son peuple au lieu de le conduire.

Enfans d’Israël, nous vous avons sauvés des mains de vos ennemis ; nous vous avons marqué pour station le flanc droit du mont Sinaï ; nous vous avons envoyé la manne et les cailles.

Jouissez des biens que nous vous offrons. Évitez l’excès de peur de mériter ma colère. Celui sur qui elle tombera sera réprouvé.

Je pardonnerai à ceux qui joindront au repentir la foi et les bonnes œuvres. Ils marcheront dans la voie du salut.

Qui t’a sitôt fait quitter ton peuple, dit Dieu à Moïse ?

Seigneur, répondit-il, c’est le désir de t’être agréable. Les Israélites s’avancent sur mes pas.

Nous les avons éprouvés, ajouta le Seigneur, depuis ton départ. Sameri les a égarés.

Le prophète retourna vers eux enflammé de colère et accablé de tristesse.

O mon peuple ! leur dit-il, Dieu ne vous a-t-il pas fait une promesse glorieuse ? Vous a-t-elle paru trop long-temps différée ? Ou avez-vous voulu attirer sur vos têtes le courroux du ciel, en violant ma défense ?

Nous ne l’avons pas transgressée de notre propre mouvement, répondirent-ils ; on nous a commandé d’apporter nos ornemens les plus pesans ; nous les avons rassemblés, et Sameri les a mis en fonte. Il en a formé un veau mugissant, et les infidèles ont dit : Voilà notre dieu ; voilà le Dieu de Moïse qui l’a oublié.

Ne voyaient-ils pas qu’il ne leur rendait point de réponse, et qu’ils ne pouvaient en attendre ni bien ni mal ?

Enfans d’Israël, leur criait Aaron : Ce veau est une tentation. Le Seigneur est miséricordieux. Suivez-moi ; obéissez à ma voix.

Nous ne cesserons de l’adorer, répondaient-ils, que Moïse ne soit de retour ?

Pourquoi ne m’as-tu pas suivi, dit Moïse à son frère, lorsque tu as vu le peuple s’abandonner à l’idolâtrie ? As-tu donc voulu contrevenir à mes ordres ?

Fils de ma mère, répondit Aaron, cesse de me tirer par la barbe et par la tête. J’ai eu peur que tu ne m’accusasses d’avoir fait scission avec les Israëlites, et de t’avoir désobéi.

Qu’as-tu fait, demanda le prophète à Sameri ? J’ai, dit-il des connaissances[5] que le peuple n’a pas. J’ai pris de la poussière sous les pas du coursier de l’envoyé céleste ; je l’ai jetée dans la fournaise, c’est une idée que mon esprit m’a suggérée.

Fuis loin d’ici. Tu diras à tous ceux qui te rencontreront : Ne me touchez pas. C’est une punition à laquelle tu seras soumis jusqu’à la mort. Vois ce dieu dont tu étais l’adorateur zélé, il va devenir la proie des flammes, et sa cendre sera jetée dans la mer.

Vous n’avez point d’autre Seigneur que le Dieu unique, qui embrasse l’univers de l’immensité de sa science.

Nous te racontons ainsi ces évènements passés. Nous t’avons apporté le livre des avertissements.

Celui qui s’en écartera sera chargé, au jour de la résurrection, d’un pesant fardeau.

Il ne pourra s’en débarrasser. Ce fardeau fera son malheur au jour du jugement.

Le jour où la trompette sonnera[6], les scélérats seront rassemblés, et leurs yeux seront couverts de ténèbres.

Ils se diront à basse voix : Nous ne sommes restés sur la terre que dix jours.

Vous n’y êtes restés qu’un jour, reprendront leurs chefs. Nous connaîtrons leurs discours.

Ils te demanderont ce que deviendront les montagnes. Dis-leur : Dieu les dissipera comme la poussière.

Aux lieux où elles étaient, s’étendront de vastes plaines, où l’on ne verra ni pente, ni éminence.

Les hommes suivront l’ange qui les appellera. Ils ne pourront s’en défendre. Leur voix sera humble et faible devant le miséricordieux. On n’entendra que le bruit obscur de leurs pieds.

L’intercession ne sera utile qu’à ceux à qui Dieu accordera cette faveur, et qui auront prononcé la profession de foi qu’il aime[7].

Il connaît le passé et l’avenir. L’intelligence humaine ne s’étend pas jusque-là.

Ils humilieront leur front devant le Dieu vivant et éternel ; et l’impie périra.

Le croyant vertueux n’aura point à craindre un sort injuste et rigoureux.

Nous avons envoyé du ciel, le Coran en langue arabe ; nous y avons répandu des exemples menaçans ; afin d’inspirer la crainte du Seigneur, et d’instruire les hommes.

Exalte le nom de Dieu, le souverain du monde, et la vérité par excellence. Ne te hâte point de répéter les versets du Coran[8] avant que la révélation soit achevée, et dis : Seigneur, augmente ma science.

Nous fîmes un pacte avec Adam ; mais peu ferme dans sa promesse, il l’oublia aussitôt.

Nous ordonnâmes aux anges de se prosterner devant lui. Tous l’adorèrent. Éblis seul refusa d’obéir. Nous dîmes à Adam et à son épouse : Voilà votre ennemi. Prenez garde qu’il ne vos chasse du paradis, et qu’il ne vous rende malheureux.

Vous n’y souffrirez ni de la faim, ni de la nudité.

Vous n’y serez incommodés, ni par la soif, ni par la chaleur.

Le démon tenta Adam. Veux-tu, lui dit-il, que je te fasse connaître l’arbre de l’éternité, l’arbre qui donne une souveraineté sans fin ?

Adam et son épouse mangèrent du fruit défendu. Ils aperçurent leur nudité[9], et se firent des habits de feuilles. Le premier homme fut désobéissant et prévaricateur.

Dans la suite, Dieu reçut sa pénitence. Il eut compassion de lui, et l’éclaira.

Descendez du Paradis, leur dit le Seigneur ; vous avez été ennemis l’un de l’autre. Un jour je vous enverrai un guide.

Celui qui le suivra ne s’égarera point, et le malheur ne sera point son partage.

Celui qui ne voudra pas entendre ma doctrine éprouvera l’infortune dès cette vie.

Au jour de la résurrection il sera environné de ténèbres.

Seigneur, s’écriera-t-il, pourquoi suis-je aveugle ? Auparavant je voyais.

Nous t’avons prêché nos Commandemens, lui répondra Dieu ; tu les as oubliés. Aujourd’hui tu vas être plongé dans l’oubli.

Tel sera le sort de l’idolâtre et de l’infidèle. Les peines de la vie future seront terribles et permanentes.

Ne réfléchissent-ils donc point aux méchans que nous avons exterminés ? Ils foulent la terre qu’ils habitaient. Ces exemples devraient les effrayer, s’ils pouvaient comprendre.

Si l’arrêt du ciel n’était prononcé, il hâterait leur supplice ; mais il attend l’heure marquée.

Supporte avec constance leurs discours. Publie la gloire du Très-Haut avant le coucher et le lever du soleil. Célèbre sa louange pendant la nuit et aux extrémités du jour[10] ; afin que ton cœur soit content de lui-même.

Ne porte point des regards avides sur les biens d’autrui. Les fleurs qui parent le sentier de la vie sont une épreuve. Les biens que Dieu promet sont plus précieux et plus durables.

Commande la prière à ta famille. Fais-la avec persévérance. Nous n’exigeons point que tu amasses des trésors. Nous fournirons à tes besoins. La piété aura sa récompense.

Les infidèles ont dit : Nous ne croirons point à moins qu’il n’opère des miracles. N’ont-ils pas entendu l’histoire des nations qui les ont précédés ?

Si nous les avions punis avant la venue de Mahomet, ils auraient dit : Seigneur, comment aurions-nous la foi, si tu ne nous as pas envoyé d’apôtre pour nous enseigner tes commandemens, et pour nous faire éviter l’opprobre et l’ignominie.

Dis : Nous attendons tous. Encore quelque temps, et vous saurez qui de nous a été éclairé du flambeau de la foi ; qui de nous a suivi le chemin du salut.


  1. T. H. Tous ces caractères sont mystérieux, et Dieu seul en a la connaissance. Gelaleddin. Zamchascar.
  2. Sa main fut couverte d’une lèpre blanche sans qu’il ressentît aucune douleur. Gelaleddin.
  3. Pharaon se faisait rendre les honneurs divins. Gelaleddin.
  4. En adorant les idoles.
  5. Sameri sachant que sous les pieds du cheval de Gabriel, le sable se convertissait en or, et devenait propre à donner la vie, prit de la poussière sur laquelle le coursier céleste avait imprimé ses pas, et la fondit avec les ornemens les plus pesans des Hébreux. Il en fit un veau d’or mugissant et animé. Telle est l’opinion des mahométans au sujet de ce veau.
  6. Au second son de la trompette qu’embouchera Asraphel, les âmes des humains en sortiront comme un essaim d’abeilles, et iront rejoindre leurs corps. Jahra.
  7. Cette profession de foi est comme nous l’avons déja dit, la ila ella allah ou Mohammed raçoul allah, il n’y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète. Il ne faut jamais prononcer ces mots devant des Turcs à moins qu’on ne soit disposé à se faire circoncire.
  8. Mahomet craignait d’oublier un mot, lorsque Gabriel lui récitait les versets du Coran, se hâtant de les répéter avant même que l’ange eût fini. Dieu lui reprocha sa crainte et sa précipitation. Gelaleddin.
  9. Adam et Hève étaient nuds, et couverts seulement de leur longue chevelure.
  10. Les Mahométans prient cinq fois le jour. Ils n’ont point de cloches. Des crieurs annoncent du haut des minarets la prière au peuple.