Coran Savary/022

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Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (2p. 80-89).





LE PÈLERINAGE.


donné à la mecque, composé de 78 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


Mortels, craignez le Seigneur, parce que le tremblement de terre du grand jour sera épouvantable. Dans ce jour la mère abandonnera son fils à la mamelle, la femme enceinte enfantera, les hommes frappés par le bras terrible de Dieu seront comme dans l’ivresse.

La plupart des hommes disputent de Dieu, sans être guidés par la lumière. Ils suivent Satan rebelle.

Il est écrit qu’il égarera et entraînera dans l’enfer, quiconque l’aura pris pour patron.

Mortels, si vous doutez de la résurrection, considérez les degrés par où nous vous avons fait passer. Nous vous avons formés de terre, ensuite de sperme, puis de sang congelé qui s’est changé en fœtus à moitié informe. Nous avons marqué le temps que vous deviez rester dans le sein de vos mères. Nous vous en retirons enfans. Vous parvenez à l’âge viril. Beaucoup meurent avant de l’avoir atteint. Quelques-uns arrivent à la décrépitude, et oublient tout ce qu’ils avaient appris. Considère la terre que la sécheresse a rendue stérile. Nous y versons la pluie. Son sein s’émeut, et elle produit toutes les plantes qui composent sa richesse et sa parure.

Ces merveilles s’opèrent, parce que Dieu est la vérité ; parce qu’il donne la vie aux morts, et que sa puissance embrasse l’univers.

L’heure viendra ; on ne peut en douter. Dieu ranimera les cendres qui sont dans les tombeaux.

La plupart disputent de Dieu, sans être éclairés du flambeau de la science, et sans l’autorité d’aucun livre fameux.

Ils détournent orgueilleusement la tête, pour écarter leurs semblables de la vraie voie. Ils seront couverts d’ignominie dans ce monde, et nous leur ferons éprouver, au jour de la résurrection, le tourment du feu.

Tel sera le prix de leurs crimes. Dieu ne trompe point ses serviteurs.

Il en est qui, peu fermes dans la foi, s’y attachent dans la prospérité, et l’abandonnent au moindre souffle de la tentation. Ils perdent ainsi les biens du monde et ceux de la vie future. Malheur irréparable !

Ils adorent des divinités qui ne peuvent les assister, ni leur nuire. Aveuglement déplorable !

Ils invoquent des dieux qui leur seront funestes plutôt que favorables. Malheur au patron ! Malheur à l’adorateur !

Dieu introduira les croyans vertueux dans des jardins arrosés par des fleuves. Il fait ce qu’il lui plaît.

Que celui qui pense que le prophète sera privé du secours divin dans ce monde et dans l’autre, attache une corde au toit de sa maison, et s’étrangle. Il verra si son stratagème rendra vain ce qui l’irrite.

Nous avons envoyé le Coran du ciel. Il est le dépôt de la vraie religion ; mais le Seigneur éclaire ceux qu’il veut.

Au jour de la résurrection il jugera les croyans, les juifs, les sabéens, les chrétiens, les mages et les idolâtres, parce qu’il est témoin de toutes choses.

Ne vois-tu pas que tout ce qui est dans les cieux et sur la terre adore le Seigneur ; que le soleil, la lune, les étoiles, les arbres, les animaux et les hommes l’adorent ? Mais beaucoup d’entre les mortels sont destinés aux supplices.

Celui que Dieu méprisera sera couvert de honte. Il fait ce qu’il lui plaît.

Les croyans et les incrédules disputent de Dieu ; mais les incrédules auront des habits de feu, et l’on versera sur leur tête l’eau bouillante.

Elle dévorera leur peau et leurs entrailles. Ils seront frappés avec des bâtons armés de fer.

Toutes les fois que la douleur les fera s’élancer des flammes, ils y seront replongés, et on leur dira : Goûtez la peine du feu.

Dieu introduira les croyans qui auront exercé la bienfaisance, dans des jardins où coulent des fleuves. Ils seront ornés de bracelets d’or enrichis de perles, et vêtus d’habits de soie ;

Parce qu’ils ont fait leur profession de foi, et qu’ils ont marché dans le chemin du salut.

Les infidèles qui écarteront les croyans du sentier de Dieu et du temple saint, que tous les hommes, soit étrangers, soit habitans de la Mecque, doivent visiter ;

Et ceux qui voudraient le profaner, éprouveront la rigueur de nos châtimens.

Lorsque nous donnâmes à Abraham l’emplacement[1] du temple de la Mecque, pour asile, nous lui recommandâmes de ne point y souffrir d’idole, et de le purifier pour les fidèles qui feront le tour de son enceinte, qui y prieront, et qui se courberont devant le Seigneur.

Annonce aux peuples le saint pèlerinage[2]. Qu’ils l’accomplissent à pied ou sur des chameaux. Qu’ils viennent des contrées les plus éloignées.

Ils verront combien ils en retireront d’avantages. Aux jours marqués, ils rendront grâces au Seigneur qui leur a permis de manger de la chair des troupeaux. Nourrissez-vous-en, et calmez la faim du pauvre.

Qu’ils quittent tout levain d’infidélité ; qu’ils accomplissent leurs vœux, et qu’ils fassent le tour de la maison antique[3].

Celui qui redoutera l’anathème du ciel lui sera agréable. Nourrissez-vous de tous les animaux qui ne vous sont point défendus. Fuyez l’abomination des idoles, et le mensonge.

Adorez l’unité de Dieu. Ne lui donnez point d’égal. L’idolâtre sera semblable à celui qui, précipité du ciel, devient la proie des oiseaux, ou est jeté dans un lieu désert.

Celui qui fera éclater sa magnificence dans les victimes qu’il offrira, donnera des marques de la piété de son cœur.

Servez-vous-en jusqu’au temps marqué. Immolez-les ensuite devant la maison antique[4].

Nous avons donné à chaque nation ses rites sacrés, pour remercier le Seigneur qui a multiplié les troupeaux utiles aux humains. Il n’y a qu’un Dieu. Embrassez l’islamisme. Annoncez la félicité aux humbles,

A ceux qui ne se rappellent le souvenir de Dieu qu’avec crainte, qui supportent avec constance les maux qui leur arrivent, qui font la prière et qui versent dans le sein des pauvres une portion des biens que nous leur avons départis.

Les chameaux doivent entrer dans l’hommage que vous rendez au Très-Haut. Vous en retirez des avantages multipliés. Invoquez le nom du Seigneur sur ceux que vous immolez. Qu’ils soient posés sur trois jambes, et liés par le pied gauche de devant. Lorsqu’ils auront été immolés, nourrissez-vous de leur chair, et en distribuez à tous ceux qui en demanderont. Dieu les a soumis à votre usage. Vous devez lui rendre grâce de ce bienfait.

Il ne reçoit ni la chair, ni le sang des victimes ; mais il agrée la piété de ceux qui les immolent. Nous faisons servir les animaux à votre usage, afin que vous glorifiez le Seigneur qui vous a éclairés. Annonce le bonheur à ceux qui exercent la bienfaisance.

Dieu détruira les piéges tendus au croyant. Il hait le fourbe et l’infidèle.

Il a permis à ceux qui ont reçu des outrages, de combattre, et il est puissant pour les défendre.

Ils ont été chassés de leurs maisons parce qu’ils ont professé la foi. Si Dieu n’eût opposé une partie des hommes à l’autre, les monastères, les églises des chrétiens, les synagogues et le temple de la Mecque auraient été détruits. C’est dans ces lieux saints qu’on célèbre les louanges du Très-Haut. Il aidera ceux qui combattront pour la foi, parce qu’il est fort et puissant.

Affermis par nos mains sur la terre, ils feront la prière, l’aumône ; ils exerceront la justice, et aboliront l’iniquité. Dieu est le terme de toutes choses.

S’ils t’accusent d’imposture, souviens-toi que les peuples de Noé, d’Aod, de Themod, d’Abraham, de Loth et de Madian, ont ainsi traité leurs prophètes. Moïse ne fut-il pas accusé de mensonge ? J’ai laissé vivre les pervers jusqu’au temps ; ensuite je les ai punis ; et mes fléaux ont été terribles.

Combien de villes criminelles avons-nous renversées ? Elles sont maintenant ensevelies sous leurs ruines. Combien de puits ont été abandonnés ? Combien de forteresses détruites ?

N’ont-ils jamais voyagé ? N’ont-ils pas un esprit pour comprendre, des oreilles pour attendre ? Leurs yeux ne sont point fermés à la lumière ; mais leurs cœurs sont aveugles.

Ils te presseront de hâter la vengeance céleste. Dieu ne rétracte point ses promesses. Un jour à ses yeux est comme mille ans aux vôtres.

Combien de cités pendant long-temps florissantes, ont été anéanties, à l’instant où elles sont devenues coupables ? Leurs habitans paraîtront devant moi.

Dis : ô mortels ! Je vous prêche la vérité.

L’indulgence, et une récompense magnifique, seront le partage des croyans vertueux.

Ceux qui s’efforceront d’abolir la doctrine du Coran, seront les victimes du feu.

Nous n’avons point envoyé de prophètes, que Satan n’ait mêlé des erreurs dans leur doctrine ; mais Dieu détruit ses artifices, et les préceptes divins restent dans leur pureté. Il est savant et sage.

Il fait servir les prestiges du tentateur, à l’aveuglement de ceux dont le cœur est endurci et gangrené. Les impies sont ensevelis dans de profondes ténèbres.

Ceux qui ont reçu la science, intimement persuadés que le Coran est la vérité éternelle, croient en lui. Leurs cœurs reposent tranquillement dans cette croyance, et Dieu les guide dans le chemin du salut.

Les infidèles ne cesseront de douter, qu’au moment où l’heure fatale les surprendra, et où ils verront les supplices du jour terrible.

Alors la balance sera dans les mains de Dieu. Il jugera entre les mortels. Les croyans qui auront exercé la bienfaisance, seront introduits dans les jardins de la volupté.

Une peine ignominieuse sera le prix des incrédules et de ceux qui auront blasphémé contre l’islamisme.

Martyrs de l’islamisme, ceux qui seront morts, ou qui auront été tués sous ses étendards, recevront des biens infinis. La libéralité de Dieu est sans bornes.

Il les introduira dans un séjour dont ils seront enchantés. Il est savant et doux.

Celui qui, après avoir usé de représailles envers l’infidèle, en recevra de nouvelles insultes, aura pour appui, le bras du Dieu clément et miséricordieux.

Il fait succéder la nuit au jour, et le jour à la nuit. Il sait et apprécie toutes choses.

Il est la vérité. Les autres dieux qu’on invoque ne sont que mensonge. Il est le Dieu grand, le Très-Haut.

Ne vois-tu pas que sa main abaisse les nuages qui versent la pluie, qu’aussitôt la terre se couvre de verdure ? Il est habile et prévoyant.

Il possède ce qui est dans les cieux et sur la terre. Il est riche, et sa louange est en lui-même.

Ne voyez-vous pas qu’il a soumis à votre usage tout ce que la terre contient, que le vaisseau fend les ondes à sa voix, qu’il soutient sur vos têtes le firmament, parce qu’il est clément et miséricordieux ?

C’est lui qui vous a donné la vie. C’est lui qui vous envoie la mort, et qui vous ressuscitera. O combien l’homme est ingrat !

Nous avons prescrit à chaque peuple ses rites sacrés. Qu’ils les observent, et qu’ils ne disputent point sur la religion. Appelle-les à Dieu. Tu es dans le chemin véritable.

S’ils disputent, dis-leur : Dieu connaît vos actions.

Il jugera vos différens au jour de la résurrection.

Ignorez-vous que la science de Dieu embrasse l’étendue des cieux et de la terre ? Tout est écrit dans le livre. Tout est facile au Très-Haut.

Le culte qu’ils rendent aux idoles, n’est point autorisé du ciel. Ils n’ont point la science pour guide. Un jour ils seront sans protecteur.

Lorsqu’on récite les versets du Coran, on voit l’indignation peinte sur le front des infidèles. Ils sont prêts à se jeter sur le lecteur. Dis : vous annoncerai-je quelque chose de plus terrible ? C’est le feu de l’enfer que Dieu a promis aux incrédules. Malheur à ceux qui y seront précipités !

O idolâtres ! écoutez cette parabole. Les dieux que vous servez ne sauraient créer une mouche. En vain réuniraient-ils leurs efforts ; et si ce faible insecte ravit une parcelle de ce que vous leur offrez, il leur est impossible de la reprendre. L’adorateur et l’idole sont également impuissans.

Ils n’ont pas porté de Dieu un jugement équitable. Il est puissant et dominateur.

Il choisit ses ministres parmi les anges et les hommes. Il apprécie tout.

Il connaît le passé et l’avenir. Il est le terme de toutes choses.

O croyans ! courbez-vous, servez, adorez le Seigneur ; faites le bien, et vous serez heureux.

Combattez avec courage sous les étendards de Dieu. Vous êtes ses élus. Il ne vous a rien commandé de difficile dans votre religion. C’est la foi de votre père Abraham que vous professez. C’est lui qui vous nomma musulmans.

Le Coran vous confirme ce titre glorieux. Mon envoyé sera témoin contre vous, au jour de la résurrection. Vous porterez témoignage contre le genre humain. Accomplissez la prière. Faites l’aumône. Soyez inébranlables dans la foi. Dieu est votre maître. Courage au serviteur, et louange au patron !


  1. Suivant le sentiment des auteurs arabes, la maison sainte avait été apportée du ciel par les anges. Soixante-dix mille y priaient tous les jours, et les mêmes n’y entraient jamais deux fois. Adam en avait fait quarante fois le pèlerinage du fond de l’Inde. Ayant été enlevée au ciel avant le déluge, Dieu en donna l’emplacement à Abraham pour y bâtir le temple de la Mecque.
  2. Avant Mahomet les Arabes faisaient le pèlerinage de la Mecque. Ils venaient y célébrer la mémoire d’Abraham et d’Ismaël. Ce n’était qu’un usage. Mahomet le consacra par des cérémonies religieuses, et leur en fit un précepte. Il cachait sous le motif de la religion des vues politiques. Il voulait que la Mecque devînt un point de réunion pour tous les mahométans ; qu’ils vinssent y chercher les aromates de l’Arabie heureuse, et apporter en échange leur or et les productions de leur pays. Les grandes caravanes qui partent tous les ans de Perse, de Damas, de Maroc et du Caire, se réunissent à la Mecque. Il se fait pendant le temps du pèlerinage un commerce immense dans cette ville, et à Gedda qui en est le port.
  3. Le temple de la Mecque.
  4. Idem.