Correspondance 1812-1876, 4/1858/CDXXXIX

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CDXXXIX

À M. VICTOR BORIE, À PARIS


Nohant, 13 octobre 1858.


Mon cher vieux, nous regrettons que tu n’aies pu rester davantage avec nous. Tâche de t’affranchir pour qu’on te voie plus souvent.

Lambert part vendredi. J’ai longuement causé avec lui. Il est fort abattu. Je suis d’avis qu’il essaye le théâtre, à condition qu’il ne renoncera pas à la peinture. Je lui ai offert de rester ici tant qu’il voudrait ; mais il ne croit pas que cela lui soit utile.

J’aime beaucoup l’idée des vrais moutons sur la scène. Je présume qu’on leur mettrait un petit sac sous la queue ; car ces animaux-là fonctionnent continuellement. Je n’aime pas le titre de Georgine pour une bergerie. Bref, je n’ai songé ni à cette pièce-là, ni à aucune autre. Embrasse Plouvier pour nous. Dis-lui que nous espérions le voir et qu’il devrait bien venir. Envoie-moi tout de suite le dictionnaire de Landry. Dis à Émile de te le solder.

Et des fleurs, envoies-en aussi ; on les adore ici, et, moi, je m’abrutis à les regarder.

Je dis que je ne songe à aucune pièce. Si fait, je songe à un canevas pour le théâtre de Nohant ; car on s’est décidé à jouer une fois, quand on serait arrivé à la moitié des gravures[1], c’est-à-dire dans quinze jours ; que n’es-tu là pour faire l’enchanteur ou le fort détachement de bleus !

Bonsoir, mon cher gros, tous les barbouilleurs t’embrassent, et moi aussi. J’espérais te retrouver à table à déjeuner le jour de ton départ, mais le Polonais[2] t’a enlevé ! Ne sois pas trente-sept ans sans me redonner de tes nouvelles.

G. SAND.

  1. Pour les Masques et Bouffons.
  2. Charles-Edmond.