Correspondance 1812-1876, 6/1871/DCCCX

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 128-130).


DCCCX

À M. ALEXANDRE DUMAS FILS, À PARIS


Nohant, 8 juin 1871.


Mon fils, j’ai reçu votre bonne grande lettre ! Vous avez raison ; mais je ne suis pas si forte que vous, je suis femme. J’ai comme mal à mes entrailles de femme quand le sang coule, ou quand la flamme étouffe des êtres de mon espèce. Je pense à tout sans découragement personnel, mais avec un déchirement profond. J’ai vu que vous aviez sauvé des innocents, que vous faisiez du bien. On souffre moins quand on agit. Ici, nous ne pouvons rien et l’argent nous manquerait pour quitter le gîte. Aucune sagesse ne préserve des sinistres, des blés gelés, des impôts à payer et des misères à secourir. Nous ne nous plaignons de rien ; nous n’en avons pas le droit, puisque nous sommes encore des plus heureux ; mais nous ne bougeons pas et il nous faut travailler sans relâche.

Dites-moi donc vite où on peut se procurer la Lettre de Junius. Il ne suffit pas de dire aux lecteurs de la Revue : « Lisez-la ! » Il faut leur dire où ils la trouveront. Si Buloz avait de l’esprit, il vous demanderait de la publier, ce qui vaudrait mieux que tout. S’il avait cet esprit-là, y consentiriez-vous ? Vite un mot de réponse ! A-t-elle été très répandue et très lue en France ?

Nous vous embrassons bien tous. Lina, qui a reçu vos exemplaires et votre lettre, vous remercie de tout son cœur.

G. SAND.


Quelle belle occasion Hugo a perdue de se taire ! Les chercheurs de popularité, qui n’ont jamais aimé le peuple que pour avoir des ovations ou des votes, n’ont pas le courage de lui dire : « Aujourd’hui, mon bon ami, tu es infect ! » En ce moment, on jugera de la sincérité des républicains par leur blâme plus ou moins ferme de ces atrocités.

Mais que devient mon ami Paul Meurice ? Je ne sais ce qu’a fait et dit le Rappel, nous ne le recevons plus depuis le siège ; mais Meurice est un homme doux, aimant et humain : il est impossible qu’il ait des torts graves ; ne serait-il pas bien à vous de vous occuper de lui ?