Correspondance 1812-1876, 2/1844/CCXXXIX

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CCXXXIX

À MESSIEURS
PLANET, FLEURY, DUVERNET, DUTEIL,
À LA CHÂTRE


Paris, 20 mars 1844.


Mes amis,

Leroux part pour Boussac, où il va installer sa famille. Il passe par la Châtre et vous remettra cette lettre. M. Victor Borie, un jeune homme dont j’ai parlé à Planet et qui est ami de Jules Leroux, a quitté, pour quinze jours, Tulle, où il fait un journal républicain. Il renoncerait à sa position, qui est faite et dont il n’est pas dégoûté, pour se dévouer à une œuvre quelconque à laquelle je m’intéresserais.

J’ignore s’il accepterait votre contrôle pour le journal. Dans le principe, lorsque je lui en ai fait parler, il pensait n’avoir affaire qu’à moi. C’est moi qui aurais subi ce contrôle, et lui par contre-coup. Au reste, tout cela lui fut proposé vaguement, éventuellement et il répondit en deux mots que, si je le regardais comme nécessaire au journal que j’étais alors censée fonder, il était tout à ma disposition.

Maintenant, il est encore possible que, vous voyant, vous entendant, vous connaissant et se concertant avec vous, il puisse s’associer à vous pour être notre rédacteur, dans les conditions où vous le désirez. Vous savez que je ne vous impose plus personne, et que je n’exclus personne, c’est bien entendu. Mais je m’intéresse toujours à votre œuvre, quoique j’aie à peu près renoncé à vous aider dans votre choix et je ne crois pas devoir vous laisser échapper une bonne occasion. De tous ceux que vous avez vus et qui vous ont été proposés, M. Borie serait le plus propre à l’emploi. C’est un homme dont je puis vous répondre comme loyauté, comme caractère et comme intelligence. Il est dans la politique plus que moi, à coup sûr ; mais je ne craindrais pas d’être solidaire de tout ce qu’il avancerait, ni de lui laisser contrôler ce que je ferais, parce que je suis sûre de la pureté de ses intentions, et du bon sens de ses vues.

Maintenant donc, voyez-le, pendant le temps qu’il doit passer à Boussac, et sachez si vous pouvez vous accommoder de lui, et lui de vous.

Je n’ai pas besoin de vous recommander la bonne hospitalité envers Leroux pendant son passage à la Châtre. Bonsoir, mes chers enfants. Tout à vous de cœur.

G. SAND.