Correspondance 1812-1876, 3/1848/CCLXV

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CCLXV

AU MÊME


Nohant, 23 février 1848.


Mon enfant,

Nous sommes bien inquiets ici, comme tu peux croire. Nous savons seulement ce soir que la journée de mardi a été agitée et que celle d’aujourd’hui a dû l’être encore davantage. Il faut que tu reviennes tout de suite ; non pas que je me livre à de puériles frayeurs, ni que je veuille te les faire partager, quand même je les éprouverais.

Tu sais bien que je ne te donnerais pas un conseil de couardise. Mais ta place est ici, s’il y a des troubles sérieux. Une révolution à Paris aurait son contre-coup immédiat dans les provinces, et surtout ici, où les nouvelles arrivent en quelques heures. Tu as donc des devoirs à remplir dans ton domicile et ton absence ne serait pas excusable. Je ne te parle pas de moi : je ne crois à aucun danger personnel et ne suis d’ailleurs pas du tout disposée à m’en préoccuper. Mais, si j’avais à agir et à me prononcer pour quoi que ce soit, tu es mon représentant naturel. Viens donc tout de suite, à moins que tu ne voies la tranquillité absolument rétablie. Laisse à Lambert le soin de nos affaires à Paris. Tu y retourneras d’ailleurs dans quelques jours, quand nous aurons vu l’état des choses.

Bonsoir, mon enfant ; je t’attends. J’espère un mot de toi demain matin. Si la poste n’arrive pas, c’est que l’affaire aura été sérieuse. Mais tu n’as là, je le répète, aucun devoir à remplir, et, ici, tu peux en avoir auxquels il ne faut pas manquer.

Je t’embrasse mille fois.

Ta mère.