Correspondance 1812-1876, 4/1858/CDXXV

La bibliothèque libre.



CDXXV

AU MÊME


Nohant, 30 janvier 1858.


Je suis contente, enchantée que vous soyez réinstallé à votre feuilleton. L’horizon que vous avez vu en noir s’est éclairci et tous vos amis en sont contents, moi surtout.

Quant au Château des Étoiles, ça ne peut pas s’arranger comme ça. Comment passerais-je l’été avec deux mille francs ? Rappelez-vous Nohant : il y a du monde et de la dépense ! Pour m’arranger du budget que vous m’offrez, il faudrait aller vivre à Gargilesse ; ce qui ne serait pas très désagréable, mais ce qui n’est possible que dans mes courts moments de vie de garçon. Donc, cherchez un autre problème, cher ami, ou dites-moi de chercher un autre titre à annoncer dans la Presse. J’aurai largement le temps de vous faire un roman pour l’époque où vous en aurez besoin, et je pense, d’ici à une quinzaine, vous dire mon titre.

Voilà, quant au Château en question, l’ultimatum non de ma volonté, mais de ma caisse. Livraison dans un mois ou six semaines et payement intégral comptant (approximatif, bien entendu, sauf à nous tenir mutuellement compte de la différence d’une petite somme). Publication en septembre, en octobre au plus tard. Et cet arrangement m’est encore onéreux, il retarde la vente au libraire de tout le temps qui va s’écouler avant la publication dans le journal. C’est là tout le sacrifice que je veux faire au plaisir très grand et très réel de n’avoir affaire qu’à vous.

En vous disant mes exigences, je sens bien qu’elles peuvent paraître excessives à la Presse. Donc, je n’insiste que pour vous dire que je voudrais bien faire autrement et que je ne peux pas. Répondez-moi donc tout de suite, cette fois ; car je reçois des offres, et il ne m’est pas possible de ne pas y répondre dans peu de jours.

Bonsoir, cher ami. L’attentat me chagrine beaucoup ; il va faire redoubler de rigueur contre une foule de gens qui n’y ont pas plus trempé que vous et moi. C’est ainsi que l’histoire humaine suit son cours toujours dans les mêmes errements et les mêmes fatalités.

À vous de cœur. Vous avez reçu les épreuves, n’est-ce pas ?

GEORGE SAND.