Correspondance 1812-1876, 4/1859/CDLI

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CDLI

À M. CHARLES-EDMOND, À PARIS


Nohant, 18 décembre 1859.


Cher ami,

Ce changement de titre me contrarie : je n’aime pas à céder sans savoir pourquoi. Mais c’est accompli, n’en parlons plus. Ce à quoi je ne puis céder, c’est à laisser couper mes feuilletons en deux. Pour cela, non, non, non ! Dites-le, et avertissez que, si on ne se conforme pas aux conventions que vous avez faites avec moi, j’aime mieux que l’on me rende toute parole et le manuscrit. Je ne tiens pas a écrire dans les journaux, bien au contraire ! Les feuilletons conviennent mal à ma manière et m’ôtent la moitié du succès que j’ai dans les revues et en volume. Il n’y a pas assez d’accidents et de surprises dans mes romans pour que le lecteur s’amuse au déchiquetage de l’attente. Ce roman-ci, particulièrement, a besoin d’être lu par chapitres comme ils sont chiffrés et coupés, pas autrement.

Donc, maintenez votre autorité et mon droit, ou bien ne commencez pas. La Revue des Deux Mondes est toute prête à me prendre l’ouvrage aux mêmes conditions, et cela ne me portera aucun préjudice. Ayez la conscience en paix sur ce point.

À vous de cœur.
G. SAND.