Correspondance 1812-1876, 4/1860/CDLXI

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CDLXI

À MADAME PAULINE VILLOT, À PARIS


Nohant, novembre 1860.


Chère cousine,

Je vous revois, dans mon souvenir, à travers un nuage ; mais je n’ai pas oublié que je vous ai vue un instant. Je n’avais pourtant pas ma tête ; car ce n’est que le lendemain ou le surlendemain que je me suis retrouvée à Nohant. Jusque-là, j’étais dans une ruine, je ne sais où. Vous m’avez certainement porté bonheur, et votre présence, vos souhaits, votre cœur vivant et aimant, celui de mon Lucien[1], qui a été si affectueux pour moi, qui a tant pleuré pour moi, à ce qu’on m’a dit, tout cela s’est joint aux excellents soins de mon pauvre Maurice, et de mon adorable petit vieux docteur Vergne.

Vous m’avez donc tous ramenée à la vie. J’ai senti, sur mon lit d’agonie, que vous ne vouliez pas que je mourusse, et j’ai secoué la torpeur finale.

Ainsi, au lieu de vous dire que je suis fâchée du triste voyage que je vous ai fait faire, je vous en remercie ; car je suis sûre que ma destinée a voulu que vous vinssiez aider à me sauver.

Je suis encore faible pour écrire ; mais je veux vous dire que la force m’est revenue pour vous aimer et vous embrasser de tout mon cœur, ainsi que le cher cousin, et vos enfants, tous vos enfants, y compris Raoul, que je me figure connaître, quoique je sache bien ne pas l’avoir vu.

Maurice vous embrasse de toute son âme.

Au revoir, chère belle cousine, à Paris et à Nohant.

G. SAND.

  1. Lucien Villot, fils de madame Villot.