Correspondance 1812-1876, 4/1862/DXX

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DXX

À MADAME D’AGOULT, À PARIS


Nohant, 23 octobre 1862.


Chère Marie,

J’ai appris bien tard le malheur affreux qui vous a frappée. Je le ressens vivement, et, qu’il soit tard ou non pour vous le dire, je veux que vous me comptiez au nombre de ceux que vos douleurs affecteront toujours profondément. C’est dans ces tristes ébranlements de la vie que l’on sent la durée des chaînes de l’affection et comme le réveil de tout ce que le cœur avait mis en commun de joies et de peines. Vous me félicitiez récemment d’avoir acquis une fille charmante, et vous en perdez une accomplie[1].

Croyez que l’égoïsme naturel au bonheur s’arrête ici et que je souffre de votre mal. Et puis qu’est-ce que le bonheur quand un jour imprévu nous le brise ? Qui peut compter sur le soleil de demain ? Votre âme si élevée, votre esprit, qui a touché aux plus hautes solutions de la pensée, a sans doute puisé des forces suprêmes dans l’espoir confiant d’une vie meilleure. Je n’ai donc rien à vous dire pour vous consoler que vous ne sachiez mieux que moi.

Ce que je vous apporte, c’est un grand respect pour vos larmes et une grande tendresse pour vos déchirements.

GEORGE.

  1. Madame Émile Ollivier.