Correspondance 1812-1876, 5/1870/DCCXXV

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DCCXXV

AU MÊME


Paris, 27 février 1870.


Nous ferons le carnaval en plein carême et ensemble, si l’on est en deuil autour de nous. Je veux revoir ma Lolo en costume Louis XIII. Il faut bien que je reste pour voir se décider le succès d’argent et veiller encore à beaucoup de choses.

J’espère le grand succès, tout va bien. Je sors de la seconde représentation : une salle comble, donnée à moitié, mais payante à moitié ; on a fait deux mille sept cent quarante-quatre francs ; ce qui aurait fait le double si on n’eût été obligé, comme toujours, d’avoir le reste de la presse, du ministère et des amis de la maison. Le public excellent, applaudissant, pleurant, rappelant les acteurs à tous les actes.

Les journaux enthousiastes, quelques-uns furieux du succès : les cléricaux. Zacharie vous en envoie trois bons que nous avons pu réunir au théâtre. Les directeurs sont enchantés, les acteurs ivres de joie, d’émotion et de fatigue ; voilà. On s’embrasse comme du pain dans tous les coins du théâtre. Tout le monde s’adore. C’est la troupe de Balandard chez le prince Klémenti : l’ivresse du succès.

Me voilà guérie : j’ai soupé ce soir avec Zacharie, qui est bien gentil, bien dévoué et qui se met en quatre. Nous avons dévoré un joli morceau de fromage, des fruits, des confitures ; nous furetions dans la cuisine, c’était comme à Nohant. Mais comme vous nous manquiez ! Quel bonheur si on pouvait jouir ensemble d’une bonne chance comme cela !

Enfin je vais vous revoir et tout sera pour le mieux. Mangez mon miel, on en aura d’autre ; que ma Lolo dévore sa bonne mère. Bigez Titite. Portez-vous bien, surtout !