Correspondance 1812-1876, 6/1873/CMVI
CMVI
AU MÊME
Je suis très embarrassée pour le rôle d’Edmée ! Je vous avais dit : « Faites en mon nom pour le mieux ; » mais Duquesnel ne se rend pas du tout à votre influence, et je ne peux pas lui imposer mon vouloir. Il sait que je ne connais pas mademoiselle Hélène Petit, et que je n’ai vu mademoiselle Broizat qu’une seule fois, dans un petit rôle. Il y a une artiste qui me plairait, à moi, parce que je l’ai vue et examinée sérieusement : c’est mademoiselle Baretta. Celle-là est véritablement une fille de talent et d’intelligence. Elle a très bien le type de l’amazone qui ouvre le drame, et elle a une diction à tout dire merveilleusement. Où serait l’obstacle ? Duquesnel m’écrit que vous demandez absolument mademoiselle Petit, et qu’il vous la refuse, en même temps que vous m’écrivez que c’est vous qui la refusez. Je ne veux pas vous mettre en contradiction ouverte avec lui, en lui disant qu’il se fiche de moi. Je voudrais clore le débat par mademoiselle Baretta. J’y gagnerais d’être sûre que le rôle sera bien joué. On m’objectera qu’elle ne joue que les ingénues. Ça me serait égal. Edmée peut avoir dix-huit ans, aussi bien que vingt-cinq.
Vous êtes plongé dans vos répétitions, cher ami. Sans cela, je vous dirais de venir faire le jour de l’an avec nous. On a acheté pour vous une énorme cuvette, Solange nous ayant dit que vous trouviez la vôtre trop petite. Alors, Lina s’est émue, et elle a fait venir de tous les environs une quantité de cuvettes. Les Berrichons, qui s’en servent fort peu, ouvraient la bouche de surprise, et demandaient si c’était pour couler la lessive.
Bonne année, cher ami ! Je vous souhaite une santé de cheval, comme la mienne à présent ; un bon succès, et pas trop d’ennuis pour en venir là.
Nohant vous embrasse.