Correspondance 1812-1876, 6/1874/CMX

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 309-310).


CMX

À M. CHARLES-EDMOND, À PARIS


Nohant, 8 avril 1874.


On vous croyait guéri, mon pauvre ami, et la souffrance continuelle était la cause de votre silence ! Vous êtes par trop éprouvé dans vos jambes, dans votre esprit par conséquent ; car le cerveau broie du noir quand le corps est privé de mouvement. Oui, certainement, je veux travailler pour le Temps. Je suis reposée et mieux portante ; mais, pendant que je ne faisais rien, il m’a poussé dans la cervelle une pièce dont je n’ai pas pu me débarrasser sans l’écrire ; c’était une de ces obsessions que vous devez connaître. Et pourtant je n’avais aucune envie de théâtre ; c’est venu, il a fallu le mettre sur du papier. Le sujet est joli, je ne sais pas encore si j’en ai tiré bon parti ; j’aurai une opinion là-dessus dans un mois ; car je travaille fort peu, deux heures par jour tout au plus. Je voudrais pourtant bien reprendre mes feuilletons, qui m’amusaient et auxquels j’ai sacrifié les présents d’Artaxerce de Buloz. Mais quoi dire sans toucher à la situation politique, qui m’irrite et m’écœure ? Enfin ça viendra.

Quand vous verra-t-on à Nohant, pauvre écloppé ? Moi, je dois aller à Paris et je ne me décide pas ; je suis trop en train de griffonner. Ces demoiselles vont bien, vous embrassent et envoient un baiser à Loulou.

Ne nous laissez pas ainsi sans nouvelles de vous.

Les amis sont faits pour qu’on se plaigne à eux quand on souffre.

Mes amitiés à votre femme.

G. SAND.