Correspondance avec Élisabeth/Élisabeth à Descartes - La Haye, 21 novembre 1643

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- Descartes à Élisabeth - Egmond du Hoef, novembre 1643 Correspondance avec Élisabeth - Descartes à Élisabeth - Egmond du Hoef, novembre 1644


Monsieur Descartes,

Si j'avais autant d'habileté à suivre vos avis, que d'envie, vous trouveriez déjà les effets de votre charité aux progrès que j'aurais faits dans le raisonnement et dans l'algèbre, desquels, à cette heure, je ne vous puis montrer que les fautes. Mais je suis si accoutumée de vous en faire voir, qu'il m'arrive, comme aux vieux pécheurs, d'en perdre tout à fait la honte. Pourquoi j'avais fait dessein de vous envoyer la solution de la question que vous m'avez donnée, par la méthode qu'on m'a enseignée autrefois, tant pour vous obliger de m'en dire les manquements, que parce que le ne suis pas si bien versée en la vôtre. Car je remarquais bien qu'il y en avait à ma solution, n'y voyant assez clair pour en conclure un théorème ; mais je n'en aurais jamais trouvé la raison sans votre dernière lettre, qui m'y donne toute la satisfaction que je demandais, et m'apprend plus que je n'aurais fait en six mois de mon maître. Je vous en suis très redevable et n'aurais jamais pardonné à M. de Palloti, s'il en eût usé selon votre ordre. Toutefois il ne me l'a voulu bailler, qu'à condition que je vous enverrais ce que j'ai fait. Ne trouvez donc point mauvais que je vous donne une incommodité superflue, puisqu'il y a peu de choses que je ne ferais, pour obtenir ces effets de votre bonne volonté, qui est infiniment estimée de

Votre très affectionnée amie à vous servir

Élisabeth.