Correspondance avec Élisabeth/Élisabeth à Descartes - La Haye, 27 décembre 1645

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- Élisabeth à Descartes - La Haye, 30 novembre 1645 Correspondance avec Élisabeth - Descartes à Élisabeth - Egmond, janvier 1646


Monsieur Descartes,

Le fils du feu professeur Schooten m'a rendu aujourd'hui la lettre que vous m'écriviez en sa considération, pour m'empêcher que le ne m'engage à favoriser son concurrent. Et comme je lui témoignais que je n'étais pas seulement sans dessein de lui nuire, mais obligée de le servir, autant que je le pourrai, depuis que vous me mandez de l'aimer et de lui être redevable, il me pria ensuite de le recommander aux Curateurs. N'y ayant que deux de ma connaissance, MM. de Wimenon et Bewen, et le dernier hors de la ville, j'ai fait d'abord parler au premier, qui me promet de s'employer pour ledit sieur Schooten, encore qu'on avait fait dessein d'abolir entièrement cette profession comme superflue, qui semble être la seule difficulté qu'il aura à combattre, son compétiteur n'étant point considéré, auprès de lui, si ce n'est de quelques scrupuleux, qui craignent que celui-ci n'introduise les erreurs de la religion arminienne en ses leçons de mathématiques. S'il m'eût donné le temps de le prier de revenir auprès de moi, pour apprendre le succès de mes recommandations, J'aurais eu moyen de l'informer des choses que je crois lui devoir servir en ses prétentions ; mais il eut tant de hâte à se retirer, que je fus contrainte de le suivre jusqu'à la porte, pour lui demander à qui je devais adresser mes offices pour lui. le sais que, s'il m'avait seulement considérée comme votre amie, sans songer aux titres qui embarrassent ceux qui n'y sont point accoutumés, il en aurait usé autrement, jugeant bien que je ne saurais agir, en une affaire que j . e connais vous être agréable, avec des soins ordinaires. Et je vous prie de croire que je ne perdrai jamais d'occasion où je vous puis témoigner, par effet, que je suis véritablement, Monsieur Descartes,

Votre très affectionnée à vous servir,

Élisabeth

J'ai peur que vous n'ayez pas reçu ma dernière du 30e du passé, parce que vous n'en faites point mention. Je serais fâchée qu'elle vienne entre les mains de quelqu'un de ces critiques, qui condamnent pour hérésies tous les doutes qu'on fait des opinions reçues.