Correspondance choisie de Gœthe et Schiller/1/Lettre 15

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15.

Réponse de Gœthe. Courtes réflexions sur son Wilhelm Meister.

La semaine dernière, je me suis trouvé pris d’une inspiration singulière, qui, heureusement, dure encore. L’envie m’est venue de revoir le livre religieux de mon roman ; et comme le tout repose sur les plus nobles illusions et sur la plus délicate confusion du subjectif et de l’objectif, il me fallait pour cette partie plus d’inspiration et de recueillement que pour aucune autre. Et encore, comme vous le verrez en temps et lieu, une telle peinture m’aurait été impossible, si je n’avais pas auparavant rassemblé des études d’après nature. Ce livre, que j’espère terminer avant les Rameaux[1], m’a avancé d’une manière inespérée dans mon travail ; car, conduisant tantôt en arrière et tantôt en avant, il sert à la fois de limite et de guide. Le Procureur est aussi écrit, et n’a plus besoin que d’être revu rapidement. Vous pourrez donc l’avoir à temps.

J’espère que rien ne m’empêchera d’aller chez vous aux Rameaux, et d’y passer quelques semaines ; nous aurons alors encore quelques bons moments.

Je suis impatient de voir vos derniers travaux ; les premiers, que nous avons relus sur l’imprimé, nous ont fait grand plaisir.

Les Heures font beaucoup de bruit à Weimar ; je n’ai pas encore rencontré d’opinion décisive pour ou contre ; mais on court littéralement après elles ; on s’arrache les numéros, et, pour le début, nous ne demandions pas davantage.

M. de Humboldt doit avoir beaucoup travaillé ! J’espère causer anatomie avec lui aussi. Je lui destine quelques préparations qui n’ont rien d’extraordinaire, mais qui sont pourtant intéressantes. Saluez-le cordialement pour moi, ainsi que les dames. Le Procureur est tout prêt à paraitre. Portez-vous bien et aimez-moi ; je ne serai pas en reste.

Weimar, le 18 mars 1795.
Gœthe.

  1. Le dimanche des Rameaux est aussi appelé la fête des Palmes.