Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0014

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 1p. 17-18).

14. AU MÊME.
Rouen, Collège Royal, le 2 juillet 1835, 9 h. 30.
Cher Ernest,

J’ai pensé depuis que tu es parti à une chose, et cette chose c’est un moyen pour obtenir une réponse de notre individu. Je vais lui écrire tantôt à la maison et le prier d’envoyer sa lettre aux Andelys, chez toi, tu la liras et me la renverras dans une de tes lettres.

Non, je remettrai [à] un peu plus tard cette correspondance, de peur que tu n’y trouves quelqu’obstacle.

Le petit Meulan est entré mardi matin au collège, sa mère est partie cette nuit à quatre heures.

Entr’autres agréables nouvelles, je crois que tu apprendras avec plaisir que l’ami Delhomme a l’œil droit poché, mais d’une drôle de manière, si drôle et si brutale qu’il en a toute cette partie du visage gonflée. Voici l’histoire ; hier à 10 heures, Fossé arrive dans la troisième pour parler à Fessard. Dispute des deux côtés, bataille, retraite de Delhomme qui a été obligé d’aller à l’infirmerie ; on lui a posé 10 sangsues sur le quinquet fracassé. Ah ! le pauvre Livarot, la bonne sacrée farce ! Voilà de quoi rire pendant 2 ou 3 jours pour le moins. J’écrirai à l’ami Edmond et sois tranquille ; je l’arrangerai de telle sorte qu’il sera bien obligé de me répondre ou de m’en dire le pourquoi. Quant au vieux Amand, je lui écrirai aussi et je l’appellerai si bien « Cosmoplane », je le haricoterai tellement qu’il sera bien obligé de m’émaner une réponse. J’oubliai de t’apprendre une nouvelle nouvelle, c’est que mon incognito poétique et productif est « Gustave Koclott ». Voilà, j’espère, de quoi dérouter le plus habile malin de notre bonne ville de Rouen. Je travaille ferme, je marche au progrès, à nos ancêtres, à la gloire ; à nous l’avenir !

En attendant tout à toi.

Gustave Antuoskothi [sic] Koclott

Note : attendons que ma belle signature sèche.

Voilà du romantique un peu chouette ! Poste pour poste réponse.