Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0021

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 1p. 28).

21. AU MÊME.
[Rouen], vendredi 22 septembre [1837].

Je désirerais bien savoir, maître sot, pourquoi depuis si longtemps on n’a pas eu de vos nouvelles ? si c’est une farce, mâtin, elle n’est guère bonne et moi, en revanche, je vais te donner des miennes. Or donc, il est huit heures [du] matin et il y a deux heures que je suis débarqué de Paris. J’ai d’abord été à Trouville, puis de là à Nogent, et de Nogent me voici t’écrivant sur mon tapis vert. Tu me feras penser la première fois à te donner une relation très détaillée de mon voyage au Paraclet, ancienne demeure de la grosse Héloïse et de maître Abailard, espèce de bourru et d’imbécile qui n’a gagné à tous ses amours que d’avoir un testicule de moins. Or notre cher philosophe du XIIe siècle n’était plus c… Aie soin de me faire souvenir de ma promesse ; il ne nous reste plus que peu de jours pour arriver au capout des vacances. Je vais les employer à travailler vigoureusement, pour en finir avec deux choses dont l’une m’embête et la deuxième m’amuse, c’est mon esquisse très longue sur la Lutte du sacerdoce et de l’empire[1]. Chéruel en partant m’avait dit : avec le plan que vous avez formé il vous faudra au moins deux mois, et je n’ai presque rien fait. En 8 jours cependant la besogne sera bâclée.

Adieu, vieux, tout à toi et à ceux qui t’entourent.


  1. Voir Œuvres de jeunesse inédites, III, p. 319.