Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0167

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Louis Conard (Volume 1p. 398-399).

167. À LA MÊME.
Lundi matin, midi. [1846]

Calmons-nous, ma chère enfant ; le pronostic du serre-papier a menti, jusqu’à présent du moins. Il n’y a rien de brisé. Je t’en donnerai un autre, comme tu me le demandes, qui m’a longtemps servi. Je te l’apporterai, quand je viendrai à Paris, dans le courant ou à la fin du mois prochain.

Tu recevras mes manuscrits probablement demain soir ; le paquet est fait et parti.

Bouilhet a été très sensible à ta lettre. Il viendra avec moi à mon prochain voyage, et je te présenterai ce jeune drôle.

À la fin de la semaine je t’écrirai. J’ai bien du mal à me remettre au travail. Ces quinze derniers jours de repos m’ont tout à fait dérangé. Pour le moment, mon sujet me manque entièrement. Je ne vois plus l’objectif. La chose à dire fuit au bout de mes mains quand je veux la saisir.

J’ai jeté les yeux sur l’Éducation[1] avant-hier au soir. Tu auras du mal à t’en tirer. Il y a beaucoup de ratures qui sont à peine indiquées. Comme c’est inexpérimenté de style, bon Dieu ! Va… Il faut que je t’aime bien pour te faire de pareilles confidences à cette heure. J’abaisse mon orgueil littéraire devant ton désir. En somme tu verras que ce n’est pas raide !

Adieu chère Louise, j’embrasse tes yeux.

À toi.

Ton Gustave.

  1. L’Éducation sentimentale (Œuvres de jeunesse inédites, III).