Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 2/0247

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 2p. 157-158).

247. À EMMANUEL VASSE.
Le Caire, 17 janvier 1850.

Tu t’étonnes sans doute, mon cher ami, en lisant le timbre de l’enveloppe que tu viens de décacheter. Je suis en Égypte depuis deux mois ; c’est le commencement d’un grand voyage que je vais faire à travers la Syrie, la Perse et l’Asie Mineure. Je serai de retour en France au printemps 1851.

Dans quelques jours je pars pour la Nubie et je ne veux pas te laisser plus longtemps sans te remercier de ton envoi, que du reste je ne connais pas. Ta lettre, datée du 11 novembre, m’est arrivée hier seulement. Ma mère, pas plus que toi, ne me dit le titre de ton ouvrage que je voudrais bien connaître.

Je suis parti de Paris sans avoir un moment pour te dire adieu. Un matin je suis entré au ministère, je t’ai demandé, tu n’y étais pas.

Voici quel est notre itinéraire : au mois d’avril prochain, nous (je voyage avec Du Camp) serons de retour ici. De là nous irons à Jérusalem par le Sinaï et El-Akabah ; de Jérusalem à Damas, Antioche, Beyrout, Alep ; d’Alep à Biredjik, de Bir à Bagdad ; descendre le fleuve, Bassra, Chouster, Persépolis, Ispahan, Téhéran ; revenir par le Caucase, Constantinople (et la Grèce peut-être). Si tu as sur quelques-uns de ces points quelque instruction à me donner, un détail à chercher, une commission quelconque, je m’en acquitterai avec plaisir. Écris-moi, si tu en as le temps ou la bonne volonté, tant que tu voudras. Quant à moi, je ne te promets rien, ayant tout au plus, le soir, le temps de prendre mes notes. J’espère bien que d’ici à deux ans nous serons à causer de tout cela, au coin de mon feu, en fumant les vieilles pipes de l’amitié.

Tu peux m’écrire au Caire jusqu’au mois d’avril, à Jérusalem vers le mois de mai, à Bagdad en juillet.

Adieu, porte-toi bien, pioche toujours. Je te serre les deux mains.

À toi.