Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0554

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 4p. 220-221).

554. À CHARLES BAUDELAIRE.
23 Août 1857 [Croisset].
Mon cher Ami,

J’ai reçu les articles sur votre volume. Celui d’Asselineau m’a fait grand plaisir. Il est, par parenthèse, bien aimable pour moi. Dites-lui de ma part un petit mot de remerciement. Tenez-moi au courant de votre affaire, si ça ne vous ennuie pas trop. Je m’y intéresse comme si elle me regardait personnellement. Cette poursuite n’a aucun sens. Elle me révolte.

Et on vient de rendre des honneurs nationaux à Béranger ! à ce sale bourgeois qui a chanté les amours faciles et les habits râpés !

J’imagine que, dans l’effervescence d’enthousiasme où l’on est à l’encontre de cette glorieuse binette, quelques fragments de ses chansons (qui ne sont pas des chansons, mais des odes de Prud’homme), lus à l’audience, seraient d’un bel effet. Je vous recommande Ma Jeanneton, la Bacchante, la Grand’mère, etc. Tout cela est aussi riche de poésie que de morale. — Et puisqu’on vous accuse, sans doute, d’outrages aux mœurs et à la religion, je crois qu’un parallèle entre vous deux ne serait pas maladroit. Communiquez cette idée (pour ce qu’elle vaut ?) à votre avocat.

Voilà tout ce que j’avais à vous dire, et je vous serre les mains.

À vous.