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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0584

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 4p. 269-270).

584. À JULES DUPLAN.
[Croisset, fin juin-début juillet 1858.]

[…] Me voilà à Carthage et j’y travaille depuis trois jours comme un enragé. Je fais un chapitre d’explications que j’intercalerai, pour la plus grande commodité du lecteur, entre le second et le troisième chapitre. Je taille donc un morceau qui sera la description topographique et pittoresque de la susdite ville avec exposition du peuple qui l’habitait, y compris le costume, le gouvernement, la religion, les finances et le commerce, etc. Je suis dans un dédale. Voilà !

[…] Il y a eu à Rouen des fêtes superbes — comme dépense d’argent et de bêtises ! Tous les bourgeois étaient habillés en Louis XIV. Un jeune môme faisait Louis XIV, et tous les tourlourous de la ligne étaient aussi habillés en troupiers du temps de Louis XIV ! Un vieux comédien nommé Cudot a exécuté le rôle de Pierre Corneille qui a été présenté à Louis XIV, lequel a été félicité par M. le Maire en écharpe tricolore. Deux garces de l’Hippodrome représentaient les Reines de la Cour dans une voiture fournie par Godillot[1]. — C’était le comble du délire — froid. — Il y avait là beaucoup d’extravagance et un manque complet d’imagination. Rien ne prouve mieux la stérilité plastique de notre époque. Elle ne fournit même pas de quoi faire une fête populaire. Quelle piètre chose que ces éternels mâts vénitiens, ces éternels lampions et ces éternelles bannières ! Sans compter messieurs les agents de police suant dans leurs bottes, pour maintenir l’ordre. « Histoire de l’esprit humain, histoire de la sottise humaine », disait M. de Voltaire.


  1. Tous ces détails se retrouvent dans les comptes rendus du Journal de Rouen et du Nouvelliste.