Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0618

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Louis Conard (Volume 4p. 335-336).

618. À ERNEST FEYDEAU.

Ne crois pas que je t’oublie ; si je ne t’écris point c’est au contraire par amitié pour toi et pour ne pas te salir avec le dégobillage de mon embêtement.

Carthage ne va pas raide. Je suis d’ailleurs pris d’idées noires. Je finirai enragé d’ennui, l’existence me pèse démesurément.

Les lectures auxquelles je me livre ne sont pas faites pour me distraire : Gnosander, l’empereur Léon, Végèce et Juste-Lipse.

Je n’ai absolument rien à te dire.

Tu me verras à Paris dans le courant du mois de novembre, époque à laquelle on jouera la pièce de Bouilhet dont les répétitions commencent.

Comment va Daniel ? Fanny s’est lu à Mantes, beaucoup, ce qui est un fier signe. Quand un livre est connu à six lieues de Paris il a déjà fait le tour du monde.

Pour moi la littérature commence à m’être désagréable fortement. Je trouve cela tout bonnement impossible et comme avec l’âge le goût augmente et que l’imagination décroît, c’est atroce. À mesure qu’on perd de ses plumes on veut voler plus haut.

Adieu, tâche d’être plus gai que moi.