Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0840
Comment t’exprimer ma stupéfaction et ma douleur ? Je n’ai appris l’affreuse nouvelle qu’hier au soir, seulement. J’en suis encore écrasé.
Je t’aime trop pour te donner des consolations et te dire de ces choses banales qui exaspèrent la souffrance. Pleure, ma pauvre vieille amie, pleure tant que tu pourras ! Celle[1] que tu as perdue mérite toutes les larmes, car personne plus qu’elle ne fut intelligent, bon, dévoué, charmant ! Quelles vacances de Pâques je passais autrefois à Fécamp ! Quels souvenirs exquis ! Quelles conversations avec mon Alfred et vous ! Je n’ai retrouvé cela nulle part ! Il me semble entrer encore dans votre cour de la Grande-Rue et apercevoir M. Le Poittevin sur la terrasse, près de la volière.
Que vas-tu devenir ? Comme tu vas te trouver seule ! Comme je te plains !
Adieu, ma pauvre Laure. Tâche d’avoir du courage pour tes enfants. Dis de ma part à Virginie tout ce que je t’écris à toi-même.
Je t’embrasse. Ton vieux camarade et ami.
- ↑ Mme Le Poittevin, mère de Mme de Maupassant.