Aller au contenu

Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0845

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 5p. 210-211).

845. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Paris] Mardi soir [24 avril 1866].

Mon Loulou,

T’es-tu bien amusée à Verneuil ? Ce petit voyage a dû faire passer les remords de ta vertu. Tu n’es guère « comme il faut » : on doit haïr Paris et raffoler de la campagne.

Ton époux m’a fait part du fameux secret[1], et j’ai tout de suite deviné que la petite chapelle t’avait profondément séduite. Je souhaite que la chose s’arrange, puisque cela vous fait plaisir, mes chers enfants.

Quelle mère Galuchet tu es ! Acheter un château et ne pas acheter un livre dont tu as envie !… Me recevras-tu bien, au moins ? Me donneras-tu des Fêtes ?

Quant à moi, étant délivré des clous pour le moment, je passe tous mes après-midi aux bibliothèques publiques à lire des journaux de l’année 1847. J’en ai encore pour une quinzaine de jours. Rien n’est plus ennuyeux ni plus pénible que de travailler dans ces grandes halles. On y a froid, on y est mal assis, on y fait du bruit. C’est abominable.

As-tu lu les Apôtres, de Renan ? Je trouve cela superbe. C’est la seule nouveauté intéressante. Les Bichons vont publier après-demain un nouveau livre.

Le Louis XV du père Michelet va paraître dans une huitaine. Telles sont les nouvelles des arts.

Viendras-tu voir l’Exposition ?

Adieu, mon pauvre bibi. Ma lettre est stupide, mais c’est que je n’ai vraiment rien à te dire, sinon que je t’aime et t’embrasse bien fort.

Ton vieux ganachon d’oncle.

  1. Les Commanville songeaient à acheter le château de Miromesnil, où naquit Maupassant.