Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0908
Vous êtes bien aimable, mais bien pressé ! Cela me flatte, mais me gêne. Pour avoir fait une promesse de pareille nature à Charles-Edmond, je me suis reculé d’un an dans la confection de Salammbô ! Si je vous répondais par un oui formel, il en serait de même pour le roman auquel je suis attelé. J’ai besoin, pour travailler, de la plus complète liberté d’esprit ; ce qui chauffe les autres me glace, ce qui les anime me paralyse. Ma haine pour la typographie est telle que je n’aime pas à entrer dans une imprimerie et que j’ignore la manière de corriger les épreuves. Je vous réponds donc brutalement : laissez-moi tranquille, ou autrement je n’en finirai jamais.
Vous ne doutez pas que je n’aie envie 1o d’entrer dans votre papier, puisqu’il est vôtre, et 2o de gagner quelques piastres avec ma copie. Voilà deux vérités qui me semblent incontestables.
Mon bouquin ne peut être fini avant la fin de 1869, ainsi vous avez du temps. Quant à revoir mon traité avec Lévy, je ne l’ai pas sous la main ; il est à Croisset. Voulez-vous venir me voir un de ces matins (avant midi) à partir de mardi ou mercredi prochain ? Je ne vous donne rendez-vous ni dimanche ni lundi, parce que je serai absent ces deux jours-là. Je suis content que vous vous soyez arrangé avec M. de Maricourt.
Mille poignées de main et tout à vous.