Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1065

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Louis Conard (Volume 6p. 73-74).

1065. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, lundi soir. [Septembre 1869 ?]

J’ai à te dire, mon loulou, que je serais indigné si tu ne profitais pas de l’ouverture pour venir me faire une visite. Combien de temps resterez-vous dans ce délicieux Pissy[1]  ? Vous pouvez bien nous donner un jour de plus, afin que l’on voie vos aimables binettes. À propos d’indignation, tu diras à Flavie que je ne trouve pas du tout gentil à elle de s’en être allée justement le jour où j’arrivais. Je regrette beaucoup de n’avoir pu jouir de sa charmante compagnie.

Les Farmer nous ont quittés ce matin. Je ne suis pas fâché d’être revenu ici et de me remettre à la besogne. La chaleur de Paris m’a accablé. Chose qui m’humilie, je deviens scheik et bedolle au physique comme au moral ! ma parole d’honneur !

T’es-tu bien amusée aux courses de Dieppe, dimanche dernier ? M. le sénateur Préfet a-t-il été bien aimable ? As-tu brillé ?

Mme Heuzey (que j’ai rencontrée mercredi à l’Exposition et à qui j’ai payé des petits verres) est enchantée de votre installation.

As-tu vu la princesse Mathilde à Dieppe ? Elle n’y est pas restée longtemps, s’ennuyant de voir « tant d’imbéciles sur le galet », m’écrit-elle ce matin. C’est qu’elle ne t’a pas rencontrée, mon mimi.

Allons, adieu. J’espère te voir bientôt. Rapporte-moi les livres que tu ne lis plus.

Je t’embrasse très fort.

Ton vieil oncle.

  1. Pissy-Poville, propriété d’Achille Dupont, grand-oncle de Mme Commanville.