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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1205

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 6p. 277-278).

1205. À MADAME MAURICE SCHLÉSINGER.
Croisset, mercredi soir, 6 septembre 1871.

Pourquoi ne vous verrai-je pas ? Qui donc vous empêche de passer par Rouen et de me faire une petite visite, chez moi, à Croisset ?

La guerre a donné à ma mère cent ans de plus. Je n’ose pas la quitter. Et quand je suis obligé de m’absenter, ma nièce (celle qui habite Dieppe) vient me remplacer. Comme j’ai passé à Paris tout le mois d’août, je suis maintenant contraint de rester ici. Voilà pourquoi, chère et vieille amie, éternelle tendresse, je ne vais pas vous rejoindre sur cette plage de Trouville où je vous ai connue et qui, pour moi, porte toujours l’empreinte de vos pas.

Comme j’ai pensé à vous pendant tout cet hiver ! Avez-vous dû souffrir, au milieu d’une famille allemande ! Dans un pays ennemi ! Comme votre grand cœur a dû saigner !

Venez donc, nous avons tant de choses à nous dire, de ces choses qui ne se disent pas, ou qui se disent trop mal, avec la plume.

Qui vous empêche ? N’êtes-vous pas libre ? Ma mère vous recevrait avec grand plaisir en souvenir du bon vieux temps. Nous pouvons vous offrir un lit, tout au moins à dîner. Ne me refusez pas cela.

Adieu. Je vous embrasse bien fort et suis toujours tout à vous.