Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1212

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Louis Conard (Volume 6p. 290-292).

1212. À PHILIPPE LEPARFAIT.
[Mardi soir, 10 octobre 1871].
Mon cher Enfant,

Voici le résultat de mes courses, lesquelles se montent à un joli total.

L’Odéon (j’ai vu Duquesnel) se propose de jouer Aïssé après la pièce[1] de Charles-Edmond, qui viendra après celle de Cadol[2] dont la première a lieu demain. En mettant les choses au pire, cela remet la première d’Aïssé en janvier.

Duquesnel nous propose Berton fils pour Aydé (soutenant qu’il vaut mieux que Lafontaine, lequel est engagé à l’Odéon pour le mois de février), Sarah pour Aïssé, le fils Provost pour d’Argental, Pujol pour Pont de Veyle (j’estropie le nom mais je connais l’homme, qui est excellent ; il a joué dans Les Idées de Madame Aubray le rôle du gandin), Ramelli pour Mme Ferriol, Page pour Mme du Tencin, Page ou Colombier. Reste à trouver un bon pour Brécourt et un pour le commandeur (le père Beauvallet se meurt). J’ai demandé Richard, celui qui fait l’Hospital dans la conjuration ! Ils ont engagé Christian, des variétés, et me paraissent pleins de bonne volonté.

Je n’ai pris aucun engagement nouveau, disant à Duquesnel que j’allais t’écrire et qu’il ne me verrait qu’après que j’aurai reçu ta lettre.

Le sieur Chilly a des hémorrhoïdes. Constant m’a dit : M. le Directeur « a ses affaires ». ça achève la ressemblance.

J’ai été trois fois aux Français et chez Perrin sans mettre la main sur ledit Perrin. Mais Deslandes m’a dit que les Français avaient leur hiver bourré de pièces. Ainsi, quand même nous lâcherions l’Odéon, nous ne serions pas joués cet hiver aux Français. Mon avis est d’accepter l’Odéon. Néanmoins je verrai demain Perrin, coûte que coûte, et te manderai ce qu’il m’aura dit. Tu peux donc réfléchir jusqu’à jeudi soir. Je ne dois pas revenir à l’Odéon avant vendredi.

J’ai vu aussi Mme Plessy et Ramelli, sans compter Berton père, que j’ai surpris dans son lit, ce matin.

Il est irrévocablement fâché avec ces messieurs.

Tu vois, mon jeune homme, que je ne m’endors pas sur le fricot.

Expédie-moi le manuscrit promptement. Perrin, sans doute, voudra le lire et qui sait ?

C’est en partie à d’Osmoy que l’Odéon doit sa subvention. Duquesnel l’a dit à Ramelli. Ainsi cela nous donne une espèce de droit là-bas à être mieux traité.

Sais-tu qu’un enfant de d’Osmoy est très malade ? Il m’a écrit ça hier à Croisset, en ajoutant qu’il faisait venir Axenfeld à Évreux.

J’ai été chez Axenfeld pour savoir ce qui en était, mais je ne l’ai pas trouvé.

Je t’embrasse.

Ton vieux fidèle.

P. S. 8 heures. — Perrin m’envoie un larbin m’apportant une lettre qui me donne rendez-vous pour jeudi à 4 heures. Cet excès de politesse me paraît de bon augure.

Donc dépêche-toi de m’expédier le manuscrit.


  1. La Baronne, drame en quatre actes en prose, de Édouard Foussier et Charles Edmond.
  2. Les Créanciers du Bonheur, comédie en trois actes en prose, représentée sur la scène de l’Odéon le mercredi 11 octobre 1871.