Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1220

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Louis Conard (Volume 6p. 301-302).

1220. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, nuit de mercredi, 3 heures [1er-2 novembre 1871.]

Je crois que je n’ai jamais travaillé comme à présent. Je ne dors plus, ou presque plus. Ton vieux chanoine de Séville a le bourrichon démesurément monté. C’est ce qui fait que j’attends avec patience le moment de m’en aller à Paris. Les petits dieux de Rome me donnent néanmoins un mal d’enfer. J’ai montré tant de dieux que je suis à bout de tournures nouvelles.

Samedi nous avons eu à déjeuner le bon Bataille, avec les dames Lapierre chez lesquelles j’ai dîné lundi. Monsieur ton oncle n’a pas dé-parlé de tout le repas !

Aujourd’hui visite de la mère Heuzey et du jeune Desbois (pour le monument de Bouilhet). Voilà toutes les nouvelles, pauvre loulou. Et toi, que deviens-tu ? Tu n’as pas trop l’air de t’amuser. Est-ce que les affaires d’Ernest t’inquiéteraient plus que tu ne le dis ? Il me semble que tu étais moins « morose » à Dieppe qu’à Paris. Quel dommage, pauvre Caro, que nous ne vivions pas ensemble ! Ce serait doux pour l’un comme pour l’autre !

N. B. — J’allais oublier le Positif ! Prie ton époux de nous envoyer de l’argent. Je n’ai plus que 40 francs pour tenir la maison. C’est peu.

Ton Vieux.

Duquesnel ne m’ayant pas encore écrit, je ne sais rien de ce qui se passe à l’Odéon : il ne m’appellera qu’après la première de Charles-Edmond. Mais comme je ne lis aucun journal de théâtre, j’ignore si les Créanciers du bonheur durent encore.

Bref, il m’est impossible de te dire l’époque de notre arrivée.