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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1342

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Louis Conard (Volume 6p. 436-437).

1342. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset.] Nuit de lundi, 28 octobre 1872.

Non, mon cher et pauvre vieux, je ne suis pas malade. Si je n’ai pas été à l’enterrement de notre Théo, c’est la faute de Catulle qui, au lieu de m’envoyer son télégramme par télégraphe, l’a mis dans une lettre, que j’ai reçue trente-six heures après l’enterrement. Comme on escamote à Paris cette cérémonie, j’ai cru qu’elle avait lieu le jeudi et non le vendredi. Voilà pourquoi je suis resté.

Ah ! celui-là, je ne le plains pas ; au contraire, je l’envie profondément. Que ne suis-je à pourrir à sa place ! Pour l’agrément qu’on a dans ce bas monde (bas est le mot exact), autant en f… son camp le plus vite possible.

Le 4 Septembre a inauguré un état de choses qui ne nous regarde plus. Nous sommes de trop. On nous hait et on nous méprise, voilà le vrai. Donc, bonsoir !

Mais avant de crever, ou plutôt en attendant une crevaison, je désire « vuider » le fiel dont je suis plein. Donc, je prépare mon vomissement. Il sera copieux et amer, je t’en réponds.

Pauvre, pauvre cher Théo ! C’est de cela qu’il est mort (du dégoût de l’infection moderne !) C’était un grand lettré et un grand poète. Oui, monsieur, et plus fort que le jeune Alfred de Musset ! n’eût-il écrit que le Trou du serpent. Mais c’était un auteur parfaitement inconnu. Pierre Corneille l’est bien !

Depuis jeudi je ne pense qu’à lui, et je me sens à la fois écrasé et enragé. Adieu, bon courage. Je t’embrasse très fortement.