Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1348

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Louis Conard (Volume 6p. 444-445).

1348. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi soir, 6 heures, 9 novembre 1872.
Mon Loulou,

Vieux continue à n’être pas gai. Il est comme Macbeth, « il a tué le sommeil ». Pourquoi ? Ce qu’il y a de drôle, c’est que Fortin est dans le même état que moi. La faute en est-elle à l’air de Croisset ? Il m’est impossible de fermer l’œil avant 5 heures du matin. Aussi j’en reste toute la journée énervé et mélancolieux.

Au milieu de mes tristes songeries, le maudit argent revient. Je suis effrayé par ma dépense ! mes déboursés pour le cidre m’épouvantent… j’en ai payé depuis huit jours pour plus de 500 francs ; sur les 1 000 francs qu’Ernest m’a envoyés, il y a quinze jours, il ne m’en reste que 200. Tu peux donc lui dire de m’en envoyer 1 000 quand il voudra.

J’attends mardi avec impatience pour savoir si le voyage de Dantzick se fera et, par conséquent, quand est-ce que tu viendras ici. J’ai bien envie, en t’attendant, d’aller te faire une petite visite samedi prochain.

J’ai reçu ce matin une lettre exquise du bon Tourgueneff.

Je continue toujours à lire et à prendre des notes pour Bouvard et Pécuchet qui se dessinent de plus en plus. Mais quel travail j’ai entrepris ! C’est écrasant !

Je me dépêche de plier ma lettre, car le bateau va passer. Donc, bien vite, deux gros baisers de

Nounou.