Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1393

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Louis Conard (Volume 7p. 51-52).

1393. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Paris], jeudi [21 août 1873].
Mon Loulou,

Il me semble que j’ai plusieurs choses à te dire. Je ne sais lesquelles. Elles vont me revenir à la mémoire, pendant que je vais t’écrire.

La princesse Mathilde s’est, hier, beaucoup informée de Mme Commanville. Éloge de ma belle nièce, pendant le dîner.

J’ai passé une soirée fort agréable dans la conversation de ce monstre de Renan, qui est un homme charmant. De quoi avons-nous causé ? des Pères de l’église. M. Vieux a étalé son érudition.

J’attends le retour de Carvalho, qui est maintenant à Puy, pour retourner au Vaudeville et régler encore bien des petites choses.

Il est probable que, vers la fin de la semaine prochaine, je ne serai pas loin de mon départ. Mais avant de rentrer à Croisset, je ferai un petit voyage en carriole de Rambouillet à Mantes.

Le Moscove demeure à Bougival (Seine-et-Oise), maison Halgan. Je ne l’ai pas encore vu et ne sais s’il a reçu tes deux épîtres. Il m’a écrit qu’à la fin de septembre toute la bande Viardot, lui compris, bien entendu, irait passer quelques jours à Nohant, et m’a invité à en faire partie. Mais c’est assez de vacances comme ça. Il faut se remettre à Bouvard et Pécuchet, pour lesquels je me ruine en achats de livres.

Peut-être qu’une fois rentré, je vais céder à la tentation du Candidat.

Tu sais bien, ma chérie, que je ne partage pas du tout tes opinions sur la Fusion. C’est, selon moi, une sottise pratique et une ânerie historique.

En de certains jours, il me prend des envies d’écrire de la politique pour exhaler là-dessus ce qui m’étouffe ! Mais à quoi bon ? Le plus clair de la Fusion sera que : elle n’aura pas lieu, d’abord ; puis que les Orléanistes se sont déshonorés. Du reste, ça renforce les Bonapartistes. Là est le comique.

On commence à Paris à n’y plus croire. Elle sera usée avant la rentrée des Chambres.

Ton vieil oncle qui t’aime.