Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1492

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Louis Conard (Volume 7p. 197-198).

1492. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, dimanche [13 septembre 1874].
Ma Chérie,

Je serai revenu à Croisset jeudi, pas avant, car il faut que je reste ici jusqu’à mercredi pour assister à une première de Cluny qui m’intéresse.

J’ai passé mon après-midi à une répétition pour juger du mérite de divers acteurs, et je recommence demain et mercredi ce même exercice.

J’ai trouvé une actrice qui vient de Rouen et qui a du talent, Mme Harmet.

J’ai refusé un acteur pour le rôle du Ministre et j’attends avec impatience l’audition de Mlle Kléber, destinée à celui de la Cocotte.

Malgré tes répugnances et ton sinistre pressentiment, je crois que le Sexe faible peut réussir.

D’ailleurs, pourquoi ne pas faire jouer une chose que l’on trouve bien ? et puis, je deviens de plus en plus indifférent à ce que on peut dire. Car on me semble de plus en plus bête. On n’est jamais content. On ne sait ce qu’il veut. Enfin, j’exècre cet incessable on, et la moindre page de Bouvard et Pécuchet m’inquiète plus que le sort du Sexe faible.

Le notaire Duplan a été (à propos de B. et P.) charmant pour moi. J’ai passé avant-hier deux heures chez lui. Et il m’a écrit, séance tenante, quatre pages de renseignements sur les testaments.

Mon petit ami Guy de Maupassant doit demain m’en donner sur les copistes du ministère.

Je viens de finir, aujourd’hui même, de corriger la dernière épreuve de Salammbô avec appendice. Les Charpentier reviennent de Dives mardi.

Voilà, pauvre chat, toutes les nouvelles. Quant à aller te voir samedi prochain, franchement, je ferai mieux de rester dans mon humble asile ! D’ailleurs, dimanche prochain, je dînerai chez Mme Lapierre, qui m’avait invité pour aujourd’hui.

Et puis, mon pauvre loulou, avec tous ces trimbalages, le roman n’avance pas, et je voudrais bien avoir fini mon introduction avant de revenir à Paris, vers la fin d’octobre.

Mais quand Frankline sera partie, qui t’empêche de venir me faire une visite ? Note que je vais avoir Banville pendant un jour, puis Popelin et Giraud. Si je vais à Dieppe, je ne ferai plus rien. En désespoir de cause, j’irai si tu ne viens pas !

Adieu, pauvre chou.

Ta vieille Nounou.