Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1701

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Louis Conard (Volume 8p. 70-71).

1701. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Paris], mardi, 11 heures [11 septembre 1877].
Mon Loulou,

[.....] Mlle Caroline Espinasse (surnommée Coco) m’a bien chargé de te dire que : elle comptait te voir quand tu repasserais en chemin de fer. Une station (je ne sais pas laquelle) est tout près de sa maison. Elle veut venir pour te dire bonjour. Voici son adresse : Château de Ruat, le Teich (Gironde). C’est voisin d’Arcachon. [.....]

Si tu reviens seule À Croisset, la rentrée ne sera pas drôle ; je le sais par expérience. Il faudra te ruer sur la peinture.

J’ai vu l’enterrement de Thiers. C’était quelque chose d’inouï et de splendide ! Un million d’hommes sous la pluie, tête nue ! De temps à autre on criait : « vive la République », puis « chut ! chut ! » pour n’amener aucune provocation. On était très recueilli et très religieux. La moitié des boutiques fermées. Le cœur m’a battu fortement et plusieurs personnes comme moi étaient fort pâles. Il faut avoir vu cela pour s’en faire une idée. Nous en recauserons. Le philosophe Baudry est devenu énergumène. Il voudrait exiler Limbourg en Californie, avec un Rabelais et un manuel de géologie, pour avoir interdit les conférences de MM. Réville et Siegfried. Les gens autrefois les plus modérés sont maintenant les plus furieux. Généralement on est suffoqué par la bêtise de Mac-Mahon. Je regrette que tu n’aies pas lu les journaux de la semaine dernière. Ils étaient curieux…

Le Bien Public nous sera envoyé à Croisset.

Pourquoi hâtez-vous votre retour ? Jouissez de vos vacances. Tâche de rester quelque temps à Arcachon ; l’air de la mer te fera du bien, ma pauvre fille.

Je te bécote fortement.

Vieux.