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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1731

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 8p. 114-115).

1731. À ÉMILE ZOLA.
[Paris, avril 1878.]
Mon Bon,

Lundi soir, j’avais fini le volume[1].

Il ne dépare pas la collection, soyez sans crainte, et je ne comprends pas vos doutes sur sa valeur.

Mais je n’en conseillerais pas la lecture à ma fille, si j’étais mère !!! Malgré mon grand âge, ce roman m’a troublé et excité. On a envie d’Hélène d’une façon démesurée et on comprend très bien votre docteur.

La double scène du rendez-vous est sublime. Je maintiens le mot. Le caractère de la petite fille est très vrai, très neuf. Son enterrement merveilleux. Le récit m’a entraîné, j’ai lu tout d’une seule haleine.

Maintenant voici mes réserves : trop de descriptions de Paris, et Zéphyrin n’est pas bien amusant. Comme personnages secondaires, le meilleur, selon moi, c’est Matignon. Sa tête, quand Juliette blague son appartement, est quelque chose de délicieux et d’inattendu.

Le mois de Marie, le bal d’enfants, l’attente de Jeanne sont des morceaux qui vous restent dans la tête.

Quoi encore ? Je ne sais plus. Je vais relire.

Je serais bien étonné si vous n’aviez pas un grand succès de femme.

Plusieurs fois en vous lisant je me suis arrêté pour vous envier et faire un triste retour sur mon roman à moi — mon pédantesque roman ! qui n’amusera pas comme le vôtre !

Vous êtes ung mâle. Mais ce n’est pas d’hier que je le sais.

À dimanche et tout à vous. Votre vieux.


  1. Une page d’amour.