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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1773

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 8p. 165-166).

1773. À GUSTAVE TOUDOUZE.
Croisset, près Rouen, 29 novembre 1878.
Mon cher Ami,

Votre lettre m’a attendri. Elle me prouve que vous pensez à moi, ce dont je ne doutais pas d’ailleurs. Il est bien de se souvenir des « vieux dans l’ombre » comme dirait le père Hugo.

Je vous envie, puisque vous êtes heureux. Soignez bien votre bonheur. Aimez votre femme et donnez à votre gamin de gros baisers de nourrice. Vous êtes dans le vrai, n’en sortez pas.

Moi, je travaille le plus que je peux, afin d’oublier les et la misère de ce monde. Les encouragements, comme à vous, me font défaut, car Dalloz m’a refusé un manuscrit, celui d’une Féerie que je trouve bonne, que je n’ai pu faire jouer et que je ne peux maintenant faire imprimer ! Voilà où j’en suis à mon âge (cinquante-sept ans dans douze jours), et après avoir produit ce que j’ai produit. C’est un exemple encourageant pour les jeunes ! Je vous prie de croire que ça ne m’humilie nullement, mais ça m’embête. Je n’en travaille que davantage ; je ne dis pas mieux, mais avec plus d’acharnement. Dans un an je ne serai pas loin d’avoir terminé mon livre. J’ai fait deux chapitres cet été. J’espère en avoir fait encore un, avant d’aller à Paris, ce qui n’aura pas lieu avant le mois de février.

Dès que je serai là-bas, vous serez prévenu. D’ici là, mon cher ami, bonne santé, bonne pioche et belle humeur.