Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1820

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Louis Conard (Volume 8p. 227-228).

1820. À MADAME JULIETTE ADAM.
Croisset, 7 mars 1879.
Chère Madame,

Je vous remercie du souvenir et du livre[1] (et de la dédicace aussi, qui ne ment pas, puisque dernièrement vous m’avez donné des preuves de sa sincérité).

Rien n’est plus élégant ni plus haut que votre poème. On y respire l’air de l’Olympe, on y coudoie les dieux. J’aime ça !

Vous avez ravivé mes vieux souvenirs d’Italie. Il s’échappe de vos pages une senteur napolitaine qui m’a fait du bien. Les restrictions que je me permettrai, dès que j’aurai le bonheur de vous voir, sont peu nombreuses et peut-être sottes d’ailleurs. Elles portent sur deux ou trois points peu importants. Une qualité m’a frappé, sans parler du talent descriptif, c’est la délicatesse morale. Quoi de plus charmant que la page 83 sur les bouquets fanés qui rappellent des émotions encore fraîches, et la page 107 « mon existence avec… sentiments les plus délicats » « les femmes aiment le divin qui plane sur les choses »… En êtes-vous bien sûre ?…

Plusieurs, quelques-unes peut-être ? mais les femmes en général ? non, hélas !

En refeuilletant votre volume, je trouve en marge un coup de crayon à la page 160, sur le Vésuve. La fin de la phrase est une merveille. J’en suis convaincu, je m’y connais.

Votre œuvre aurait plu à Goethe. Vous êtes de sa religion.

Je serre la main de mon confrère Lamber et je baise les mains de Mme Adam, en me mettant à ses pieds.

Son tout dévoué.


  1. Grecque, 1 vol.