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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1822

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 8p. 230-231).

1822. À MADAME ROGER DES GENETTES.
[Croisset, 14 mars 1879].

Il me semble que je suis en retard avec vous, ma chère amie et, bien que je sois un peu fatigué, je vais vous envoyer quelques lignes.

Samedi prochain, enfin, on retire mon second appareil et je tâcherai de faire quelques pas dans mon cabinet. Mais quand pourrai-je monter un escalier ? Pas avant deux mois sans doute. Si bien que peut-être nous arriverons à Paris en même temps l’un que l’autre.

J’en ai bientôt fini avec mes lectures sur le magnétisme, la philosophie et la religion. Quel tas de bêtises ! Ouf ! Et quel aplomb ! Quel toupet ! Ce qui m’indigne ce sont ceux qui ont le bon Dieu dans leur poche et qui vous expliquent l’incompréhensible par l’absurde. Quel orgueil que celui d’un dogme quelconque !

Pourquoi haïssez-vous le Père Hyacinthe ? Notez qu’il est méprisé de tout le monde, des libres penseurs comme des croyants, ce qui me le rend sympathique. Il a pris la voie la plus franche et la plus naïve. Où est le mal ? Mais il sort du cadre ; de là, scandale. Il a été original dans sa conduite et plus chrétien (chrétien primitif) qu’on ne dit. D’ailleurs l’importance qu’on attache à l’accouplement sexuel me semble bien drôle !

J’ai lu dernièrement deux livres qu’on m’a envoyés, les Sœurs Vatard, de Huysmans, un élève de Zola, que je trouve abominable ; et le Chat maigre, d’Anatole France, charmant !

Je vous baise les deux mains longuement.