Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1828
J’ai lâché tout pour Madame de Châteauroux, tout, immédiatement, j’ai eu cette canaillerie et j’en ai été récompensé. Ce nouveau volume me semble encore plus intéressant que les autres.
Voilà trois mois que je lis exclusivement de la métaphysique ! Après tant d’abstractions, vous pouvez penser s’il m’a été doux de me désaltérer dans le réel. Enfin je me suis collé comme un morpion sur les mottes de vos belles dames. Cela est un monument, une œuvre définitive. Nous en recauserons. Quand ?
Charpentier et Zola m’ont promis de venir déjeuner ici dès que je les appellerai. Mais je ne suis pas encore en état de descendre dans ma salle à manger, et je ne vous invite pas avec eux, vu l’insuffisance de mon personnel. Donc, venez seul dès que vous serez libre de vos Frères Zemganno.
Ma nièce doit venir me voir à la fin de la semaine prochaine, après quoi je rappellerai aux amis leur promesse. Je compte absolument sur la vôtre.
Popelin vous a un peu trop vanté ma personne physique et morale. À peine si je peux faire cinq ou six pas dans mon cabinet, et chaque soir mon articulation est enflée. Serai-je en état d’aller à Paris au mois de mai ? J’en doute.
Quant à l’humeur, elle n’a pas été gaie, mon cher ami. J’ai passé par des états à me casser la gueule. Voilà le vrai.
J’ai eu cependant la force de m’étourdir par des lectures insensées (la valeur d’un volume par jour et avec notes). Maintenant je prépare mes trois derniers chapitres et j’espère me remettre à écrire dans une quinzaine. Bref, dans un an, mais pas avant, j’espère en voir la fin.
Aucune nouvelle de Tourgueneff ni de Daudet. Entre deux épreuves, tâchez de trouver le temps de potiner avec votre
qui vous embrasse.
Que dites-vous de Labiche candidat à l’Académie française ? Ô mânes de Boileau, ou êtes-vous ?
Voici une découverte faite par votre serviteur dans la Réforme (revue). Yves Guyot trouve que Sarcey ressemble… à Diderot et même lui est supérieur (sic) ; c’est un « Diderot rassis ». Maintenant rêvez.