Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1840

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Louis Conard (Volume 8p. 251-252).

1840. À SA NIÈCE CAROLINE.
Samedi, 11 heures [12 avril 1879].

Voici le reçu signé et paraphé !…

Cet acte de commerçant, que j’accomplis régulièrement tous les mois sans en comprendre le sens pratique, m’exaspère de plus en plus. On ne refait pas son tempérament ! N’en parlons plus ! mais c’est dur ! Une jambe cassée n’est rien à côté, ni même un mal de dents. Je me les ferais toutes arracher avec une volupté reconnaissante à la condition qu’on ne me parlerait plus d’argent, tonnerre de D… ! Le reçu de notre locataire m’est même désagréable à signer (sic)…

Hier[1], Monsieur a fait maigre et s’en est bien trouvé. J’ai eu la tête très lucide toute la journée… Pas un bruit sur le quai, pas un bateau sur la rivière, rien, silence absolu, et aucune lettre à écrire ! Aussi ai-je travaillé jusqu’à 2 heures du matin. Résultat : une page et la préparation de deux autres. C’est là ce qu’il me faut : l’écartement de toute manifestation extérieure et, j’ose dire, de toute relation humaine. Je suis de moins en moins pressé d’aller à Paris. D’ailleurs, ma jambe enfle dès que je marche un peu, et hier soir elle me faisait souffrir. Je crois que c’est un rhumatisme qui se porte sur l’articulation.

Cependant je voudrais bien voir le portrait de ma pauvre fille[2] sur la cimaise.

Je t’embrasse.

Vieux.


  1. Vendredi Saint.
  2. Le portrait du baron Cloquet, peint par Mme Commanville, reçu au Salon.