Aller au contenu

Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1906

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 8p. 321-322).

1906. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, mercredi, 3 heures, 19 novembre 1879.
Ma chère Fille,

Ta lettre respire la satisfaction et j’en suis bien aise. J’ai envie de contempler ton fameux chapeau. Apporte-le ici, quand tu viendras, pour m’honorer, et envoie-moi la semaine prochaine une description soignée de la noce. Que ton mari prenne garde au froid en banquetant sous la tente. Cette idée de tente me paraît biblique, mais peu confortable pour « nos pays ».

Hier j’ai passé un excellent après-midi, seul avec Pouchet, qui est un charmant homme, si instruit et si simple ! Nous avons rêvé ensemble le voyage aux Thermopyles, quand je serai quitte de Bouvard et Pécuchet. Mais à cette époque-là, c’est-à-dire dans dix-huit mois, Vieux ne sera-t-il pas trop vieux ?

Croireriez-vous, Madame, que jamais il (Pouchet) ne s’était promené dans la propriété ? Il ne connaissait ni les cours, ni même la terrasse (sic.) Je lui ai tout montré, puis l’ai reconduit jusqu’à la ferme de Platel. Bref, hier j’ai pris l’air pendant deux heures.

J’ai reçu 9 exemplaires de l’Éducation. Ce matin, on m’a envoyé un Phare de la Loire où je suis exalté aux dépens de Zola. J’ignore l’auteur de l’article. La première partie de mon chapitre est faite. Je vais la copier, lire encore quelques bons livres, et la semaine prochaine je recommence à écrire.

Le soir, après dîner, je me repasse comme distraction tes notes de Nicole. Quelle patience tu as eue, à recueillir de semblables platitudes !

En fait de nouvelles, présentement on apporte un banneau de terre ; — et un cor de chasse, dans un canot, me met au comble de l’exaspération.

Je t’embrasse bien tendrement.

Le Vieillard de Cro-Magnon (et pas de Belleville).