Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1961
Je déplore que ton volume de vers ne soit pas encore paru. Que devient celui des Soirées de Médan ? Il me tarde de relire Boule de Suif.
[…] Maintenant causons de Désirs[1]. Eh bien ! mon jeune homme, ladite pièce ne me plaît pas du tout. Elle indique une facilité déplorable.
Un de mes chers désirs, un désir qui est cher ! Avoir des ailes, parbleu ! Le souhait est commun. Les deux vers suivants sont bons, mais au quatrième les oiseaux surpris ne sont pas surpris puisque tu es à les poursuivre. À moins que surpris ne veuille dire étonnés ?
Je voudrais, je voudrais. Avec une pareille tournure on peut aller indéfiniment tant qu’on a de l’encre ! Et la composition ? où est-elle ?
Ainsi qu’un grand flambeau, l’image me semble comique ; outre qu’un flambeau ne laisse pas de flamme, puisqu’il la porte.
Charmant, mais rappelle trop le vers de Ménard :
« Oui je voudrais ». Pourquoi oui ?
Clair de lune, excellent.
L’affolante bataille, atroce !
En somme, je t’engage à supprimer cette pièce. Elle n’est pas à la hauteur des autres.
Là-dessus ton vieux t’embrasse. Sévère, mais juste !
- ↑ Poème publié dans Des Vers.